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mercredi, 21 septembre 2011

« CHARTE DE BONNE CONDUITE ENTRE LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES » DU 7 DÉCEMBRE 2009

Annexe du Rapport BARTOLONE : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3464.asp#P...

À l’automne 2008, certains élus locaux ont dénoncé publiquement la présence dans leur dette de prêts qu’ils qualifiaient de toxiques. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et celui de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi ont organisé le 3 novembre 2008 une réunion entre les représentants des associations d’élus locaux et les principaux établissements bancaires actifs dans ce secteur.

Au terme de cette table ronde, un accord s’est fait autour d’une double proposition :

  • le traitement des cas particuliers relèverait du dialogue entre la collectivité locale et ses banquiers ;
  • pour l’avenir une Charte de bonne conduite signée par les établissements financiers qui le souhaiteraient et les représentants des élus, régirait leurs rapports mutuels à l’occasion de la mise en place de nouveaux prêts, d’opérations d’échange de taux et de leur renégociation, pour éliminer les risques excessifs que le recours à ces produits peut comporter.

La présente Charte a pour objet de formaliser les engagements respectifs des établissements bancaires et des collectivités locales qui s’accordent pour considérer que :

  • il est légitime pour une collectivité locale de développer une politique de gestion de la dette visant d’une part à profiter des évolutions qui lui sont ou seraient favorables, d’autre part à prévenir les évolutions de taux qui lui sont ou lui seraient défavorables ;
  • le recours à une Charte de bonne conduite constitue l’instrument qui permet de concilier au mieux le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales d’une part, et le respect des règles de concurrence entre les banques d’autre part ;
  • cette Charte est en outre à même d’assurer la complémentarité entre le recours à l’innovation financière qui a souvent permis aux collectivités locales des gains significatifs en matière d’intérêts financiers et leurs contraintes spécifiques liées à leur caractère public.

Les signataires conviennent que la présente Charte s’applique aussi bien aux nouveaux prêts et aux opérations d’échange de taux qu’à leur renégociation. Elle n’a pas d’effet rétroactif. Elle concerne les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et leurs syndicats.

PREMIER ENGAGEMENT : LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES RENONCENT À PROPOSER AUX COLLECTIVITÉS LOCALES TOUT PRODUIT EXPOSANT À DES RISQUES SUR LE CAPITAL ET DES PRODUITS REPOSANT SUR CERTAINS INDICES À RISQUES ÉLEVÉS.

Les collectivités locales ne peuvent prendre de risque sur le capital de leurs emprunts. Les établissements financiers signataires ne proposent pas de produits comportant un risque de change aux collectivités locales qui n’ont pas de ressources dans la devise d’exposition.

Afin de limiter les risques liés notamment à la difficulté pour les collectivités locales d’anticiper leur évolution et plus encore de s’en couvrir, les établissements bancaires signataires renoncent à proposer des produits financiers dont les taux évolueraient en fonction des index suivants :

  1. les références à des indices relatifs aux matières premières, aux marchés d’actions ou à tout autre instrument incluant des actions ;
  2. les références aux indices propriétaires non strictement adossés aux indices autorisés par la Charte, aux indices de crédits ou aux évènements de défauts d’émetteurs obligataires, ou encore à la valeur de fonds ou à la performance de fonds ;
  3. les références à la valeur relative de devises quel que soit le nombre de monnaies concerné ;
  4. les références aux indices cotés sur les places financières hors des pays membres de l’OCDE.

Ils renoncent en outre à proposer des produits présentant une première phase de bonification d’intérêt supérieure à 35 % du taux fixe équivalent ou de l’Euribor à la date de la proposition et d’une durée supérieure à 15 % de la maturité totale.

DEUXIÈME ENGAGEMENT : LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES S’ENGAGENT À NE PLUS PROPOSER DE PRODUITS AVEC DES EFFETS DE STRUCTURE CUMULATIFS.

Il s’agit en particulier des produits pour lesquels le taux payé à chaque échéance est déterminé sur la base d’une incrémentation cumulative par rapport au taux de la ou des échéances précédentes (produits à effet cumulatif).

Cette caractéristique a pour conséquence pour la collectivité le paiement d’une échéance calculée sur la base d’un taux susceptible d’évoluer de manière toujours défavorable dans le temps et dont l’évolution peut difficilement être appréhendée sur la base d’un nombre limité d’observations d’index.

TROISIÈME ENGAGEMENT : LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES S’ENGAGENT, DANS LEURS PROPOSITIONS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES, À PRÉSENTER LEURS PRODUITS SELON LA CLASSIFICATION CONTENUE DANS LES TABLEAUX DES INDICES DE RISQUES CI-APRÈS.

Les produits proposés aux collectivités locales n’ont pas tous le même degré de complexité et les risques pour l’emprunteur ne sont pas de même ampleur.

Dans le souci de rendre plus transparent le dialogue avec les élus et entre l’assemblée délibérante et l’exécutif local et d’assurer la comparabilité entre les offres, les établissements bancaires s’engagent à utiliser la classification proposée des produits en fonction des risques supportés par les collectivités.

Les prêts structurés ou les opérations d’échange de taux sont classés en fonction des risques qu’ils comportent, d’une part à raison de l’indice ou des indices sous-jacents et d’autre part de la structure du produit.

Les établissements signataires ne commercialisent que des produits correspondant à la typologie suivante :

TABLEAUX DES RISQUES

 

Indices sous-jacents

   

Structures

1

Indices zone euro

 

A

Taux fixe simple.
Taux variable simple.
Échange de taux fixe contre taux variable ou inversement.
Échange de taux structuré contre taux variable ou taux fixe (sens unique).
Taux variable simple plafonné (cap) ou encadré (tunnel).

2

Indices inflation française
ou
inflation zone euro
ou
écart entre ces indices

 

B

Barrière simple. Pas d’effet de levier

3

Écarts d’indices zone euro

 

C

Option d’échange (swaption)

4

Indices hors zone euro.
Écart d’indices dont l’un est un indice hors zone euro

 

D

Multiplicateur jusqu’à 3 ;
multiplicateur jusqu’à 5 capé

5

Écart d’indices hors zone euro

 

E

Multiplicateur jusqu’à 5


QUATRIÈME ENGAGEMENT : LES ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES RECONNAISSENT LE CARACTÈRE DE NON PROFESSIONNEL FINANCIER DE COLLECTIVITÉS LOCALES ET LE FRANÇAIS COMME LANGUE EXCLUSIVE DE DOCUMENTS ET ILS S’ENGAGENT À FOURNIR AUX COLLECTIVITÉS LOCALES :

  1. une analyse de la structure des produits et de leur fonctionnement, en mentionnant clairement les inconvénients et les risques des stratégies proposées ;
  2. une analyse rétrospective des indices sous-jacents ;
  3. une expression des conséquences en termes d’intérêts financiers payés notamment en cas de détérioration extrême des conditions de marché (« stress scenarii ») : grille de simulation du taux d’intérêt payé selon l’évolution des indices sous-jacents ;
  4. pour leur permettre de valoriser l’ensemble de leurs instruments dérivés directs ou inclus dans des produits structurés des catégories B à E, les établissements financiers fournissent gracieusement au cours du 1er trimestre de l’année la valorisation de leurs produits aux conditions de marché du 31 décembre N-1. La mise en place interviendra au plus tard pour les comptes administratifs de 2009.

CINQUIÈME ENGAGEMENT : LES COLLECTIVITÉS LOCALES S’ENGAGENT À DÉVELOPPER LA TRANSPARENCE DE DÉCISIONS CONCERNANT LEUR POLITIQUE D’EMPRUNTS ET DE GESTION DE DETTE.

Les grands axes de la politique d’emprunts et de gestion de dette seront présentés à l’assemblée délibérante par l’exécutif local afin qu’elle définisse la politique d’emprunts et de gestion de dette que l’exécutif doit mettre en œuvre.

Les collectivités locales s’engagent à utiliser la classification des produits contenue dans les tableaux des risques présentés supra. Les assemblées délibérantes pourront ainsi préciser les classes d’indices sous-jacents et de structures qu’elles autorisent leurs exécutifs à utiliser. Elles pourront si elles le souhaitent distinguer les instruments applicables à la mise en place de nouveaux prêts ou opérations d’échange de taux et ceux applicables aux renégociations ou réaménagements de positions existantes.

Elles s’engagent en outre à rendre compte de manière régulière à l’assemblée délibérante des opérations qu’elles ont menées en matière de gestion active de la dette.

SIXIÈME ENGAGEMENT : LE COLLECTIVITÉS LOCALES S’ENGAGENT À DÉVELOPPER L’INFORMATION FINANCIÈRE SUR LES PRODUITS STRUCTURÉS QU’ELLES ONT SOUSCRITS EN FOURNISSANT LES ENCOURS, LES INDICES SOUS-JACENTS ET LA STRUCTURE DES PRODUITS.

L’information relative à l’exposition de chaque collectivité locale aux produits structurés est de nature à permettre à l’assemblée délibérante de se prononcer en toute connaissance de cause.

Aussi, l’exécutif de la collectivité locale devra fournir, lors du débat budgétaire, une présentation détaillée qui rappelle les encours des produits structurés, la nature des indices sous-jacents, la structure des produits et une analyse des risques liés à ces produits.

De plus, à l’occasion de tout nouveau financement ou de toute opération de gestion active de dette, les collectivités locales s’engagent à fournir cette même présentation aux établissements bancaires qu’elles sollicitent.

*

Les établissements financiers réaffirment leur volonté d’appliquer en toute transparence les engagements contenus dans la Charte et les associations d’élus s’engagent à promouvoir le contenu et les orientations de la Charte auprès de leurs adhérents. La date d’entrée en vigueur sera le 1er janvier 2010. Au terme d’une année d’application, les signataires dresseront un bilan de son application et procèderont à une éventuelle mise à jour.

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mardi, 21 juin 2011

Paul JORION « Vers une crise majeure de l’éclatement de la zone euro»

Il fait partie des rares personnes dans l e monde à avoir prédit la crise d e 2008. Paul Jorion porte aujourd’hui un regard sombre sur l’avenir de l’économie mondiale. Interrogé sur Solvabilité 2, il se montre sceptique sur l’impact de cette règle prudentielle

http://www.argusdelassurance.com/interview/vers-une-crise...
http://www.pauljorion.com/blog/wp-content/uploads/ITW-Pau...

Pensez-vous que la crise financière commencée en 2008 est terminée ?

Non, elle n’est pas finie. Début 2009, les  finances mondiales ont plus ou moins réussi  à se stabiliser, mais, en arrière-plan, leurs structures continuent de se fragiliser. Les États se sont mis en garantie pour le secteur bancaire il y a trois ans. Résultat, aujourd’hui, ils sont endettés. Nous sommes donc sur les rails d’une crise majeure de l’éclatement de la zone euro.

Quand la crise des « subprimes » a éclaté aux États-Unis en 2007, n’y a-t-il pas eu confusion entre l’assurance et la titrisation, l’opération financière par laquelle une banque revend ses créances sur des marchés spécialisés ?

Oui, tout à fait. La sinistralité n’est pourtant pas la même entre l’assurance et la titrisation. D’un côté, les sinistres sont rares et indépendants. De l’autre côté, ils sont groupés et le risque est systémique. En plus, la base de  l ’ assurance  est provisionnée ,  contrairement à celle de la titrisation. En conséquence ,  quand  certains  Américains  ont commencé à ne plus pouvoir payer  leur crédit hypothécaire, l’effet domino n’a pas pu être évité. La crise a touché rapidement tout le monde et en même temps.

À vos yeux, Alan Greenspan, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, a-t-il une responsabilité dans la crise financière ?

Oui, sans aucun doute, dans la mesure où les meilleures recherches sur ce qui était en train de se passer dans le monde étaient faites par son équipe. Il avait accès à l’information.

À vous écouter, nous serions au début d’une nouvelle crise…

Depuis trois ans déjà, on prédit qu’il y aura aux États-Unis une crise majeure dans le crédit immobilier commercial en 2012. C’est l’année où les prêts revolving arriveront à échéance. Ces crédits renouvelables ont des clauses précisant que la reconduction n’aura pas lieu en cas de dépréciation majeure. C’est aujourd’hui le cas. Du coup, la plupart de ces crédits ne seront pas reconduits, et les emprunteurs vont se trouver dans l’incapacité de les rembourser.

Cette crise sera-t-elle encore plus dévastatrice que la précédente ?

La crise du crédit immobilier sera du même ordre de grandeur que celle des subprimes. Ce n’est pas grand-chose, mais comme cela viendra s’ajouter au déficit américain… Or, 48 États sur 50 sont déjà en situation d’insolvabilité.

Pensez-vous qu’il puisse y avoir bientôt une crise de la dette souveraine ?

Il y en a déjà une ! Depuis un an, les pays membres de l’Union européenne soutiennent à bout de bras la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Ce sera bientôt le tour de l’Espagne. Nous sommes donc dans une situation extrêmement instable, où la zone euro est menacée. Au début de cette crise de la dette souveraine en Occident, le FMI venait au chevet d’une Europe endettée, quand la Chine et le Japon volaient au même moment au secours des États-Unis. Le changement de président au FMI et la catastrophe naturelle survenue au Japon vont changer la donne.

La Chine ne peut-elle pas servir de stabilisateur ?

De 2000 à 2006, la Chine a constitué une véritable tirelire en vendant des produits aux États-Unis. Pourtant, elle dépend toujours autant de l’Occident. Du coup, elle essuie également les contrecoups de la crise financière, car ses exportations chutent. Si l’Occident ne peut plus acheter ses produits , elle ne pourra pas soutenir indéfiniment l’économie mondiale.

Les pays émergents, comme le Brésil ou l’Inde, sont-ils un Eldorado pour les entreprises occidentales ?

Tous les fonds disponibles en Europe qui ne peuvent être investis dans du développement industriel local vont se placer sur ces marchés. Ce n’est pas une solution, car, en essayant d’aller faire de l’argent là-bas, l’Occident risque de capter toute la richesse qui est en train de se créer dans ces pays pour renflouer sa dette, sans pour autant y arriver. Finalement, à travers ces opérations, le Brésil et la Chine craignent eux-mêmes d’être mis en difficulté, puisque ce qu’ils produisent serait complètement drainé.

Que pensez-vous des outils de régulation proposés au G20 ?

La décision la plus importante concerne le mécanisme européen de stabilité financière. Seul problème : il ne sera créé qu’en 2013. Cela ne constitue donc pas une solution à court terme, car la crise qui se dessine dans la zone euro peut survenir dans quelques semaines.

On parle beaucoup, en ce moment, de Solvabilité 2. D’après-vous, cette directive européenne protège-t-elle ou pénalise-t-elle les assureurs européens ?

Elle les protège, mais je pose la question : l’analyse est-elle faite de manière à les protéger vraiment ? Si cette réforme règlementaire du monde de l’assurance ne peut pas remplir sa fonction le moment venue, elle ne sert finalement pas à grand-chose… Concernant les assureurs qui accusent Solvabilité 2 de les pénaliser, ils voudraient pouvoir investir – à tort – dans des produits à plus haut rendement, qui les mettraient dans des situations plus faciles.

Les produits structurés et les bonus des « traders » reviennent sur le devant de la scène. L’économie mondiale n’a-t-elle pas appris de ses erreurs passées ?

L’économie mondiale a tiré quelques leçons de la précédente crise. Les produits structurés, notamment, sont moins risqués que ceux d’hier. Ce ne sont pas non plus les mêmes volumes.

Finalement, quelle est votre solution pour sortir de la crise ?

Il faudrait penser à une refondation du capitalisme. Le système que je propose, c’est celui de Keynes en 1944, un nouvel ordre financier et monétaire mondial, équilibré entre zones économiques, avec une grande chambre de compensation pour l’ensemble des échanges internationaux. Un système dans lequel nous n’aurions pas à compter autant sur le crédit.

Propos recueillis par Jean-Philippe Dubosc et Nicolas Thouet

00:17 Publié dans Crédit, Finance, Gouvernance | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |

mercredi, 01 juin 2011

Comment la FED et la BCE sont en faillite par Pierre Sarton du Jonchay

Blog de Paul Jorion :

“… toutes les autorités monétaires des grandes monnaies sont attaquées par des opérateurs financiers off shore. Le shadow banking permet sans limite de jouer les systèmes juridiques et les régulations zonales les uns contre les autres. La volatilité des changes, des prix et du crédit qui en résulte fait monter les primes de risque au gré des positions spéculatives ; positions auto-réalisatrices grâce à l’opacité de la libre circulation internationale des capitaux. {…]. Les banques centrales sont confinées dans leur zone juridique et dépendent du système bancaire qu’elles régulent pour mesurer les réalités économiques dans leur périmètre de compétence.

L’asymétrie de pouvoir entre des acteurs mondialisés, polyvalents et dissimulés dans les paradis fiscaux est radicale par rapport aux banques centrales. En l’absence de confrontation transparente d’une offre et d’une demande mondiale sur les matières premières, les crédits internationaux et les primes de risque, les acteurs multinationaux en savent toujours plus et plus rapidement que les banques centrales. Comme il faut bien assurer la liquidité des monnaies de réserve et éviter la thrombose monétaire dans l’économie réelle, les banquiers centraux sont submergés d’actifs surévalués en contrepartie de leurs allocations de liquidité.”

La suite : http://www.pauljorion.com/blog/?p=25011

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mardi, 03 mai 2011

Agences de notation et responsabilité des banques centrales

L’éclairage apporté par cet article sur le rôle des agences de notation, permet de mesurer une fois de plus le manque de rigueur des politiques pour une gestion vertueuse des finances publiques : “Les agences de notation ont vocation à faire des analyses de risques pour le compte des investisseurs. Ceux-ci contraignent de facto les émetteurs à soumettre leurs dettes aux agences mais la notation garde, à ce stade, un statut conventionnel, de nature privée. Le système dérape lorsque les autorités publiques s’y réfèrent pour mener leurs politiques ".
On s’aperçoit aussi que curieusement les responsables chinois raisonne de façon bien plus réaliste ! Les 2 articles suivants qui reprennent 2 interviews de Paul JORION données à iFINANCE, confirment ce qui est à peine  évoqué dans l’article de RES PUBLICA.

Fondation RES PUBLICA - Le rôle extravagant des agences de notation: une responsabilité des banques centrales

Par Dominique Garabiol, membre du conseil scientifique de la Fondation Res Publica.
Les agences de notation prennent des décisions spectaculaires qui sont éminemment subjectives et contestables.
Au lieu de tenter d’encadrer l’activité des agences par des « régulations comportementales », les banquiers centraux et les régulateurs bancaires devraient arrêter d’y soumettre leur politique monétaire ou prudentielle.

La mise sous surveillance négative des 15 000 milliards de dollars de dette fédérale des Etats-Unis par l’agence de notation Standard & Poor’s le 18 avril 2011, a très peu de chance d’être suivie d’une dégradation effective. Cette décision a néanmoins suscité une émotion à la hauteur de l’influence des agences de notation. Les banquiers centraux mondiaux se sont empressés de clamer leur confiance dans l’Etat fédéral.

La motivation de la mise sous surveillance du AAA américain repose sur l’incertitude d’un accord politique entre le Congrès et la Maison Blanche sur un plan de redressement budgétaire dont le déficit atteint 10,8 % du PIB, le niveau de l’Irlande, tandis que le niveau de la dette totale devrait atteindre le seuil de 100 % de PIB en 2012.

On observera que l’explosion du déficit américain est surtout le résultat des plans de sauvetage consécutifs à la crise financière provoquée par toute une série d’opérations (subprimes, CDO, LBO…) qui avaient bénéficié des meilleures notations des agences de notation. En bref, l’agence sanctionne les conséquences de ses propres erreurs !

L’agence de notation se donne aussi la posture d’un juge impartial de la dette américaine alors que, ce faisant, elle restreint artificiellement le champ des incertitudes au débat politique présent et minimise l’importance structurelle des déséquilibres financiers américains. La prédominance des agences américaines prend ici tout son sens.

A l’opposé, une agence de notation a été créée en Chine en 2010, Dagong Credit Rating. Elle avait octroyé aux Etats-Unis un AA en juillet et l’avait dégradé à A+ en novembre 2010. L’agence chinoise prend en compte la capacité de remboursement de la dette et non celle de renouveler la dette par de nouvelles émissions de bons de Trésor ou d’obligations.

La dégradation de novembre dernier était justifiée par le « très fort recul de l’intention de l’Etat fédéral de s’acquitter de sa dette » mais aussi par le nouveau programme de 600 milliards de dollars de rachat de bons du Trésor par la Fed. La conclusion était que « la dépréciation du dollar choisie par l’Etat américain indique que la solvabilité de celui-ci est au bord du gouffre et qu’il souhaite par conséquent diminuer sa dette par une dévaluation conformément à la volonté nationale ». Ce commentaire justifierait d’octroyer aux Etats-Unis une notation de valeur spéculative, c’est-à-dire BB+ au mieux, ce que s’abstient de faire Dagong.

Les notations sont donc éminemment subjectives et les agences de notation sont soumises à de multiples conflits d’intérêts, la survie de leurs clients n’étant pas le moindre. On se rappelle à l’automne 2001, des interventions, heureusement vaines, de Dick Cheney, alors Vice-Président des Etats-Unis, pour faire différer la dégradation d’Enron à quelques jours de la révélation du plus grand scandale comptable de l’Histoire.

Les décisions des agences sont toujours discutables, soit prématurées, soit trop tardives.

Pour éluder les aspects systémiques des déséquilibres financiers, on y répond par des
« régulations comportementales » :

  • limitation des situations de conflit d’intérêts,
  • obligation de documentation des méthodes,
  • enregistrement et supervision par des autorités administratives.

En réalité, l’anomalie vient du poids exorbitant de leurs décisions de notation.

Les agences de notation ont vocation à faire des analyses de risques pour le compte des investisseurs.

Ceux-ci contraignent de facto les émetteurs à soumettre leurs dettes aux agences mais la notation garde, à ce stade, un statut conventionnel, de nature privée.

Le système dérape lorsque les autorités publiques s’y réfèrent pour mener leurs politiques.

Pour les opérations de refinancement du système bancaire, les banques centrales n’effectuent plus d’analyse de risques en propre mais se réfèrent à la notation des actifs refinancés (quitte à assouplir les notations de référence, comme la BCE dans le cas des pays périphériques).

Les normes prudentielles applicables aux banques (dites « Bâle II ou III») déterminent aussi le montant des fonds propres ou des contraintes de liquidité en fonction des niveaux de notation, même si les plus grandes banques se réfèrent aussi à leurs notations internes.

Ainsi, c’est non seulement le canal des financements de marché que les agences de notation qui influencent mais aussi le canal du crédit bancaire, ce qui donne une importance systémique à leurs décisions.

L’extension de leur rôle est le résultat d’une décision complètement discrétionnaire des banques centrales et des régulateurs.

Les agences de notation sont des agents privés et un agent privé ne peut assumer de politiques publiques.

Fatalement, le poids que leur donnent les banques centrales ou les régulateurs bancaires vient polluer les décisions de notation et leur donne une teinte politique insupportable pour les Etats, les citoyens et les agences elles-mêmes.

La priorité pour assainir la situation et pour restaurer l’intégrité des politiques publiques serait de distinguer les instruments des politiques monétaires ou prudentielles des instruments conventionnels utilisés par les investisseurs privés.

En bref, que les banques centrales ou les régulateurs bancaires soient autonomes et rompent leur dépendance aux agences de notation.

Fondation Res Publica I Mardi 3 Mai 2011 I | Lu 70 fois

VOIR AUSSI : AGENCES DE NOTATION, ETATS-UNIS, FINANCE

iFinance - Interview Paul JORION : Bâle 3 et la règlementation financière

Dans le cadre du développement de cette nouvelle rubrique dédiée aux experts de l'économie et de la finance, j'ai eu l'extrême honneur de m'entretenir avec Paul JORION (pour celles et ceux qui ne connaitraient pas ce grand monsieur qui a prédit la crise des subprimes, cliquez ici). L'occasion d'échanger sur de nombreux sujets, de Bâle 3 à la crise de la dette souveraine en passant par les agences de notation financière. Du fait du contenu conséquent de cette interview, celle-ci sera publiée en 2 parties.


Bâle 3 occupe énormément l’actualité financière. Certains y voient une réforme de circonstance au regard de la crise financière que l’on a traversée. Est-ce à dire qu’il ne s’agit là que d’une réforme a posteriori, une réforme déjà insuffisante ?

Concernant Bâle 3, la question est celle des réserves. Le problème est qu’elles sont calculées par rapport à des situations historiques. Des situations de stress, de worst case scenario par rapport auxquels on se situe. Malheureusement, et comme le mentionne mon homonyme Philippe JORION, spécialiste sur la VaR (Value at Risk), c’est une technique maintenant tout à fait dévalorisée : on s’est rendu compte que lorsque les choses vont mal, elles ne vont en général pas mal de la même manière qu’avant. Il existe toujours une certaine "originalité". Si l’on compare la crise de 2007-2008 avec celle de 1929, il y a bien évidemment des ressemblances mais aussi de très grandes différences. On a attiré l’attention sur le fait qu’on utilise souvent les mauvaises distributions statistiques. Les interactions humaines font que celles relatives aux conséquences de leurs comportements varient. Il n’existe aucune stabilité car nous apprenons, car nous sommes des êtres intelligents. D’où la possibilité de nous adapter à des situations connues, mais celle aussi de méjuger dans un contexte nouveau.

Dans la perspective de Bâle, les pertes que les banques peuvent essuyer sont de tel ou tel ordre, sur tel ou tel type de produit, les provisions de telle ou telle somme. Les Chinois les voient de manière différente : ils les font varier de semaine en semaine, en fonction de la réalité. C’est une approche qui ne se base pas sur une période de 10 ans révisable mais sur la base d’indicateurs concrets (inflation, montants distribués sous forme de prêts par les entreprises, etc.) qui font baisser ou monter les réserves des banques. C’est une approche totalement différente et dont il est fort possible que nous nous rapprochions. En effet, seule la Chine arrive à s’adapter aux nouvelles circonstances car elle est en mesure de réagir très rapidement.

La solution serait donc de conjuguer les 2 modèles : une vision historique, à l’occidentale, et une vision pro-active, pragmatique à la chinoise ?

Oui mais le rapport de force entre régulateur et banques est tout à fait défavorable au régulateur. Par conséquent, lors de négociations, c’est le moins-disant que le remporte.

Le rapport de force est différent en Chine où il n’y a pas de discussion possible : des technocrates planificateurs analysent les situations dans l’urgence et dictent leurs décisions. Les banques protestent peut-être mais cela n’a manifestement aucun effet, au contraire de chez nous où les banques signalent ce qui les arrange : "le niveau de provisionnement qui n’impactera pas négativement la reprise", comme elles l’expriment plaisamment.

On a effectivement pu voir que les origines de Bâle 3 se révèlent bien plus contraignantes. Ce qui amène certains économistes à exiger la mise en place d’un pilier 4 instaurant un caractère contraignant à la réforme, voire même une portée internationale.

Absolument, mais pour cela il faudrait que le rapport de force entre l’Etat et la finance se modifie. Nous envisageons toujours les choses dans un cadre international : nous avons tendance à dire "nous ne le faisons pas car nos voisins ne le feront pas de toute manière". Contrairement à la Chine qui détermine sa politique indépendamment des décisions prises ailleurs dans le monde.

De manière plus générale, on a effectivement pu voir naitre un phénomène de règlementation à outrance (bonus, secret bancaire, ventes à découvert…). Quel est votre sentiment, du point de vue de l’anthropologue que vous êtes, au regard des comportements humains.

Il ne faut pas confondre la quantité et la qualité de la règlementation. La quantité ne manque pas, contrairement à la qualité. Il serait bon de s’attacher à des principes très simples qui pourraient arranger les choses. Par exemple interdire les paris sur les fluctuations de prix. C’est très simple, on peut écrire ça sur une simple page. Or, dans la règlementation actuelle, on ne s’attache pas à des principes généraux, on s’intéresse à des aspects tout à fait particuliers. Au lieu de considérer les choses de manière simple et globale, et faire descendre les conséquences d’un principe général comme dans une Constitution, on entre dans les détails. J’en prends pour exemple le Dodd-Frank Act aux Etats-Unis et ses quelques 2 500 pages. On entre tellement dans les détails que les possibilités de contourner cette règlementation sont infinies.

Il y a une impuissance de la part du régulateur qui rédige des textes interminables. Mais il y a aussi une mauvaise foi de la part des régulés qui pointent du doigt cette régulation sans fin pour affirmer qu’elle est excessive, alors même qu’elle ne modifie peut-être rien d’important. Il faudrait déterminer un certain nombre d’articles simples qui apporteraient un changement radical.

Mais le législateur n’étant pas un expert financier, ne se contente-t-il pas en définitive de se reposer à la fois sur des experts et des textes à outrance ?

En effet, il se contente de signer les textes que les lobbies ont écrits. Textes qui ont été écrit sinon à l’intérieur des banques, au moins sous la dictée de banquiers. Mais pour tout ce qui touche aux banques centrales, c’est sous le prétexte d’indépendance que l’on a enlevé le pouvoir aux politiques d’intervenir. Cela joue d’une manière assez générale dans le cadre de la finance. D’autre part, les diverses politiques permettent de maintenir une certaine consanguinité (système du "revolving door" en américain) : passer de haut fonctionnaire à la tête d’une grande banque et inversement est possible, il n’existe aucune muraille de Chine. La même culture circule. Ce sont les mêmes personnes qui prennent une fois les décisions à la tête des banques et une autre fois à la tête des administrations.


iFinance - Interview Paul JORION : dette, banques et agences de notation

Autre sujet d’actualité : la crise de la dette souveraine. On a pu voir l’ensemble des "PIGS" (1), le Portugal étant le dernier en date, demander l’aide de l’Union Européenne. Selon vous, quelles sont les issues possibles (on parle de défauts de paiement de certains pays) et les solutions envisageables afin de gérer au mieux cette crise ?

Depuis 2008, on n’a pas reconnu les pertes car on sait qu’une partie trop considérable du secteur bancaire serait en défaut de paiement / insolvabilité. Il arrivera un jour où il faudra restructurer la dette du Portugal, ce qui fera tomber l’Espagne, puis l’Allemagne, puis la France et ainsi de suite. On ne le fait pas car l’on est en ce moment dans un processus dit de surfusion : on arrive à faire baisser la température sans que l’eau gèle car on se maintient dans un environnement tout à fait protégé. C’est un processus critique néanmoins : la situation n’est que temporaire, il arrivera un moment où il faudra reconnaître les pertes. Pour l’heure on ne le souhaite pas car depuis le début de la crise, on s’est arrangé pour que le secteur bancaire ne reconnaisse aucune des pertes réellement subies.

Nous sommes toujours dans une phase de déni. Nous n’avons toujours pas tenu compte du fait que le système s’est entièrement fragilisé car il repose trop sur le crédit et pas assez sur les revenus (revenus essentiellement issus du salaire).

Pour en revenir aux banques justement, quelle est la situation actuelle des banques européennes face à leurs consœurs ?

Il y a deux types de banques dans le monde : les banques américaines et les autres. En effet, le dollar américain fonctionne encore comme monnaie de référence mondiale, les USA peuvent donc continuer d’user de la planche à billet. Ils peuvent ainsi exporter leurs problèmes financiers à l’étranger, même si cela ne durera pas indéfiniment. Leur dette augmente continuellement, à tel point qu’elle atteindra le mois prochain le seuil critique déterminé par le législateur. On haussera le plafond actuel mais il faudra bien reconnaître un jour la banqueroute des Etats-Unis, et ce d’autant plus que l’emploi ne repart pas véritablement et que la bourse américaine est soutenue artificiellement.

Autre sujet à débat, celui des agences de notation financière. Tandis que le marché est trusté par des entreprises américaines, quelle place occupent véritablement ces agences aujourd’hui ?

Le fait qu’elles soient américaines n’a pas d’impact. Ce qui a un impact, c’est le fait que ce sont des entreprises privées qui rendent un service public. En d’autres termes, elles ont un double devoir contradictoire : un devoir d’objectivité, lié à la dimension publique de la fonction qu’elles occupent, et un devoir de profit lié au fait qu’il s’agisse d’entreprises privées. Et cela conduit à des contradictions connues : un émetteur de crédit peut par exemple aller voir si la notation est meilleure ici ou là pour son produit financier. Mais le plus grand danger est que l’ensemble de ces entreprises a accepté pour des raisons financières, parce qu’il y a un profit attaché, d’attribuer des notations à des produits dont le calcul du risque était impossible à établir (notamment les CDO (2), avec des méthodes sans aucune validité mathématique, simplement via des matrices de corrélation. "De toute manière, si je refuse de noter les CDO, mes concurrents le feront". Et là, la logique du privé l’emporte : la possibilité d’un profit dont on ne veut pas que le concurrent bénéficie et dont on se priverait soit même.

La solution serait-elle dès lors d’instaurer une agence publique de notation ?

Selon moi, il faudrait viser l’échelon international. Les Chinois le font déjà de leur côté en introduisant une agence de notation publique, rendant un service public (en l’occurrence, calculer le crédit de risque). Et dans le cas où le calcul du risque de crédit est impossible, le produit ne peut être émis.

Mais les agences ne sont pas les seules dans cette équation. Je prends pour exemple le cas de Ford Motor Credit, pour lequel les agences de notation avaient refusé de noter un de leurs titres. Malgré cela, le Gouvernement américain a passé outre et a permis sa titrisation. Parfois, l’irresponsabilité peut également se situer du côté des gouvernements.

(1) PIGS : nom signifiant "cochons" en anglais et qui désigne conjointement le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne.

(2) CDO : "Collateralised Debt Obligation" ou "Obligation adossée à des actifs". Il s’agit de produits financiers structurés issus de la titrisation.


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mardi, 01 février 2011

Exemples d'utilisation de l'insolvabilité comme arme économique


Confessions d'un assassin économique John Perkins
envoyé par enlil78. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

13:04 Publié dans Gouvernance, Vidéo | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |