samedi, 30 mai 2009
Désindustrialisation, délocalisations
Rapport : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/cgi-bin/br...
FONTAGNE Lionel, LORENZI Jean-Hervé,
FRANCE. Conseil d'analyse économique
Paris ; La Documentation française
( Les Rapports du Conseil d'analyse économique , n° 55 )
Le rapport estime que :
Face à la mondialisation des relations économiques, le thème de la désindustrialisation et de la délocalisation s'impose, en France comme ailleurs.
Le rapport fait un état des lieux du recul relatif de l'emploi dans les pays industrialisés à partir de 1960, remarquant que les volumes d'activité et d'emploi impliqués dans les délocalisations restent modérés en France, n'étant pas toujours dûs à des coûts salariaux importants, mais plutôt tributaires de la proximité des marchés et de l'optimisation de la chaîne de travail.
Il estime qu'une minorité de restructurations se traduit par des délocalisations et que des investissements à l'étranger ne sont pas assimilables à des délocalisations.
Il propose de concevoir et mettre en œuvre une stratégie industrielle, notamment en permettant aux PME de profiter davantage des commandes publiques et de l'épargne de proximité, concrétisant des projets de pôles de compétitivité, déterminant des secteurs d'activité prioritaires au niveau européen, etc.
Face à des défis qui touchent l'ensemble des secteurs productifs (pas seulement l'industrie), le rapport estime que l'enjeu est de faire prévaloir des scénarii de "sortie par le haut" - ce qui n'exclut pas des destructions d'emplois face à la concurrence des grands pays émergents - en créant des emplois grâce à l'innovation et à la recherche-développement (R&D) et en améliorant les qualifications.
Des commentaires et des compléments d'étude complètent ce rapport.
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Joseph Stiglitz et cette finance qui nous pigeonne
Par Joseph E. Stiglitz | Economiste | 25/05/2009 | 00H00
Reproduction du billet de eco.rue89.com
http://eco.rue89.com/2009/05/25/joseph-stiglitz-et-cette-...
Le Nobel d'économie décrypte les techniques d'infantilisation nées des financiers pour régner sur la finance mondiale.
Joseph Stiglitz, vice-président de la Banque mondiale de 1997 à 2000, en a démissionné en critiquant ce qu'il appelait « les fondamentalistes du marché ». C'est dire combien le prix Nobel d'économie 2001, qui a dirigé pendant quatre ans le conseil économique de l'administration Clinton -dernière époque prospère de l'Amérique- s'est montré clairvoyant.
En 2003, il publiait l'essai « Quand le capitalisme perd la tête » (Fayard, 2004). En 2007, l'étude « Irak. Une guerre à 3000 milliards de dollars » (Fayard, 2008).
Interrogé fin novembre 2008 sur la crise qui a dévasté la planète financière, juste après la chute historique de la banque d'investissement Lehman Brothers, Joseph Stiglitz proposait l'analyse qui suit -sans cacher sa colère contre les dirigeants des grands organismes bancaires qui engrangeaient d'énormes dividendes grâce au plan de sauvetage de l'Etat américain.
Cet entretien, jamais publié en France, décrypte les stratégies à l'œuvre chez les financiers pour tromper la société, et comment le « château de cartes » s'est écroulé. Nous avons dégagé ce qui apparaît comme les grandes règles de la puérilisation générale à laquelle nous avons assisté toutes ces années.
“Ravages” n°2
Cet article est tiré du n°2 de Ravages, une revue trimestrielle parue pour la première fois début 2008 et bloquée depuis par les problèmes d'un éditeur partenaire. Dans ce numéro, outre Stiglitz, l'autre prix Nobel d'Economie Muhammad Yunus, mais aussi Bernard Stiegler, Paul Virilio, Paul Jorion ou Ruwen Ogien, entre autres, s'expriment sur l'“Infantilisation générale”.
► Ravages n°2, 12€ en librairies.
Organismes de crédit et banques trompent les gens sur leurs biens, jouent sur leur espoir de s'enrichir
Revenons à l'origine de la crise (…) D'abord, dans un contexte de faibles taux d'intérêt et de régulations laxistes, le secteur des prêts immobiliers a encouragé massivement les gens à emprunter. Nous nous sommes très vite retrouvés avec 950 milliards de dollars d'« extractions hypothécaires » (extraction de liquidités du capital immobilier par un prêt hypothécaire, ndlr). Les gens retiraient de l'argent de leur maison achetée à crédit, et en dépensaient une bonne partie. Ils se retrouvaient encore plus endettés.
Ensuite, il y a eu les « innovations financières », en fait destinées à contourner les normes de prudence qui étaient à la base de la bonne santé de notre système financier. Par exemple, on accordait des prêts hypothécaires à 100%, voire plus. Les gens n'avaient même pas à payer les intérêts dus, si bien qu'à la fin de l'année ils devaient beaucoup plus d'argent qu'au début. Alors on leur disait : « Ne vous inquiétez pas, le prix des maisons va continuer de monter, vous allez vous enrichir. On promettait ce que les économistes appellent un “free lunch”, un repas gratuit.
En même temps, pendant que le prix des maisons grimpait, les revenus des Américains n'augmentaient pas. En fait, le revenu moyen baissait, tout le monde vivait à crédit, encouragé par les banques, tandis que la situation des gens en bas de l'échelle se détériorait. Il n'est pas nécessaire d'être prix Nobel pour comprendre que si les prix des maisons montent, pendant que le niveau des revenus baisse et que le crédit devient faramineux, un problème va surgir. Vous ne pouvez pas dépenser 100% de votre revenu, ou plus, pour vous loger. C'était un pari stupide. Le résultat, c'est le désastre auquel nous avons assisté.
Titrisation ou le principe du pigeon qui se lève chaque matin
A ce moment-là, les financiers ont commencé de reprendre les valeurs des crédits immobiliers –si juteux apparemment. Autrefois, lorsqu'une banque accordait un prêt, elle en devenait responsable, et si c'était un mauvais crédit, elle en supportait les conséquences. Alors elle faisait une enquête.
Mais une autre “innovation”, baptisée “titrisation” contournait la difficulté -on transformait la créance en titre financier sur le marché des capitaux. La titrisation a permis la diversification de la prise de risque dans le monde entier.
Mais la diversification comportait un nouveau danger. J'en plaisante parfois avec mes étudiants, car quand je commence à leur expliquer les avantages de la titrisation certains veulent aussitôt se précipiter à Wall Street pour gagner de l'argent ! Seulement, ils n'ont pas écouté la seconde partie du cours. Le risque vient que la titrisation et la diversification créent ce que j'ai appelé une “asymétrie de l'information”. La personne qui vendait le crédit en sait plus sur ce crédit -sa solvabilité- que la personne l'achetant.
En d'autre termes, des financiers douteux ont commencé de vendre des crédits douteux au monde entier, en vertu du principe selon lequel “il y a un pigeon qui se lève tous les matins”. Ces “pigeons”, ils les ont trouvés partout, la mondialisation ayant ouvert des perspectives entièrement nouvelles pour détecter des victimes ignorantes. Ils en ont trouvé beaucoup dans le domaine des prêts hypothécaires, surtout en Europe, où les pertes des “golden boys” de l'immobilier ont été encore plus grandes qu'en Amérique.
Le retour des alchimistes : transformer le plomb en or
Tout n'était qu'un château de cartes. Et la banque Lehman Brothers, fleuron de Wall Street, qui avait acheté un nombre considérable de ces prêts hypothécaires “pourris”, s'est aussitôt retrouvée particulièrement exposée. Il faut dire que beaucoup d'autres gens étaient impliqués dans la combine.
Les “agences de notation” [chargées de contrôler la solvabilité des créances, ndlr] ont cru qu'elles pouvaient se livrer à une véritable alchimie. Transformer le plomb en or ! Elles s'emparaient de quantité des “titres” classées X puis se livraient à une sorte de tour de magie pour les convertir en produits classés A. Ensuite, elle les présentaient comme des valeurs suffisamment sûres pour les portefeuilles de fonds de pension, ou les banques, ou par Lehman Brothers (…).
Les petits truqueurs mènent la danse
Comment cela marchait ? Les agences de notation financière se faisaient payer par ceux-là même qui émettaient ces produits compliqués. Ils devenaient si peu transparents qu'au final ceux qui les possédaient ne comprenaient pas comment ils avaient été valorisés. Ces produits résultaient de tant de trucages comptables que plus personne ne savait quel titre valait quoi.
Bientôt, plus personne n'avait confiance. Or les marchés financiers doivent être fondés sur la confiance. C'est la base, le contrat capitaliste. Quand vous confiez votre argent à une banque, vous comptez le récupérer plus tard avec des intérêts. Mais quand les organismes à qui vous confiez votre argent l'utilisent pour acheter des actifs pourris ou partent avec, versent des primes faramineuses à leurs dirigeants, et qu'il ne vous reste plus que des paquets de titres insolvables, vous perdez confiance. Vous comprenez que vous avez été trompés. Et c'est qui s'est passé.
C'est précisément cela qui a abattu Lehman Brothers puis déclenché ensuite la cascade de faillites jusqu'en Europe : la perte de confiance. Plus personne n'avait envie de donner son argent à Lehman Brothers parce qu'ils vous disaient : “Nous ne savons pas ce que valent vos actifs” (…)
Cynisme absolu des riches
Le gouvernement devrait demander des comptes aux dirigeants de Lehman Brothers. J'ai été très critique lors de la mise sous tutelle des gigantesques organismes de crédit que sont Fannie Mae et Freddie Mac parce que le gouvernement Bush a laissé en place l'encadrement dirigeant qui avait mené ces sociétés dans l'abîme.
Un système de responsabilité doit pouvoir dire : “Vous, dirigeants, nous avez mis dans ce pétrin, comment vous faire confiance pour nous en sortir ? ” Regardez le salaire extraordinaire et les primes que touchent ces gens ! Ce sont eux qui ont plongé leur entreprise et le pays dans cette crise très grave.
Pourtant, impossible de les atteindre. Leurs primes colossales leur ont été versées sur la base des résultats 2006 et 2007. Aucune clause de leur contrat ne précise que s'ils occasionnaient des pertes colossales en 2008 et 2009, ils auraient à rembourser quelque chose. Ils ont agi au plus haut niveau d'incompétence, s'enrichissant personnellement, mais d'un point de vue juridique, cela n'équivaut pas à une tentative de fraude.
La plupart d'entre eux s'en sortiront très bien. Bien entendu, vous les entendrez se plaindre : “Nous aurions été bien plus riches si vous nous aviez proposé un plan de sauvetage plus avantageux.” Les gens de la société mobilière Bear Stearns se plaignent tous. Ils gémissent : “Regardez ce qui est arrivé à notre argent ! ” Je connais des gens à la City Bank qui disent : “Si notre stock d'actions était resté au même niveau surévalué, nous serions très riches, alors qu'aujourd'hui nous sommes seulement riches.” Une chose est sûre, tous ces dirigeants incompétents vont s'en aller avec beaucoup d'argent. (…)
Faire payer cash le peuple
Trois millions d'Américains ont déjà perdu leur maison, et on estime que 2 millions encore vont se retrouver à la rue, en ayant perdu toutes leurs économies. Le système financier américain n'a pas joué pour le bien de l'Amérique.
Les marchés financiers ont innové par le passé, avec des inventions comme le “capital venture” qui soutenaient l'innovation, prenaient des risques technologiques, industriels, dans la recherche. Mais ils ont préféré se mettre à “parier” -c'est la seule façon dont on peut décrire leur activité. Des paris avec l'argent des autres, dont nous payons tous les conséquences. Nous perdons nos maisons, puis nos économies, bientôt nos jobs -et en plus, nous payons maintenant des centaines de millions de dollars pour renflouer Fannie Mae, Freddie Mac, Bear Sterns, et qui d'autre encore ?
Nous avons besoin d'une régulation plus forte, nous devons changer nos présupposés -nous aurions dû le faire depuis longtemps. Il faut que les financiers créent des produits utiles, sûrs pour l'économie américaine et mondiale, qu'ils gèrent les risques sérieusement, tout ce qu'ils n'ont pas fait ! (…) Au contraire, ils s'emballaient, ils disaient à ceux qui doutaient de leurs combines “méfiez-vous, vous surréagissez ! Vous allez nuire à l'innovation, qui est l'essence de l'Amérique.”
Mais leurs innovations financières n'ont pas du tout rendu l'Amérique plus prospère. La seule réelle innovation des marchés financiers, c'est d'avoir trouvé comment se remplir les poches aux dépens du pays. Ce n'est pas le genre d'innovations dont nous avons besoin (…).
Ne jamais considérer les répercussions de ses actions sur les autres
Au tout début de la crise, au moment de l'effondrement des sociétés hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac, le gouvernement Bush s'est tourné vers les marchés financiers pour demander conseil. Et cela n'a rien donné.
Non seulement, tous ces financiers nous ont mis dans le pétrin, mais en plus ils ne savaient pas comment en sortir. C'est là un des fautes majeures de Wall Street, ils ne voient pas les répercussions de leurs actions, ils ignorent la situation dans son ensemble, ils sont aveugles aux effets sur le système économique global.
Ils n'ont pas vu qu'il était impossible que les prix des maisons augmentent tandis que les salaires diminuent. Ils auraient du s'interroger : quelles sont les conséquences pour le fonctionnement du système tout entier quand tout le monde emprunte ?
Un financier comprend facilement comment il peut gagner de l'argent, mais il ne voit pas plus loin. Leur clairvoyance, leur compréhension de l'économie, est très relative. Ils savent comment faire de l'argent, dans les bons moments. Ils savent se protéger aux dépens de leurs investisseurs (…) Mais nous parlons d'un système économique bien plus complexe et global, ils ont démontré leur incompréhension totale en la matière. C'est le boulot des économistes, du gouvernement, des politiques de réfléchir à rendre viable l'ensemble du système, pour qu'il profite à tous (…).
Nous avons tout cassé, faites nous confiance, nous allons tout réparer
L'un des grands problèmes de cette crise vient que nous n'avons pas seulement perdu confiance dans les institutions financières, mais en ceux qui étaient censés gérer, diriger notre économie. Pensez que lors du dernier sommet du G8, en mai 2008, avant l'effondrement de cet hiver, les chefs d'Etat ont affirmé : “Nous avons passé le mauvais cap, les choses s'améliorent, tout va bien.” Soit ils faisaient de la vente forcée, soit ils n'avaient rien compris du tout. Quelle que soit la réponse, pourquoi devrions-nous les croire à nouveau ? Ils ont eu “tout faux” quand cette crise s'annonçait, constamment. La crise de confiance est là.
Ensuite la situation économique va encore s'aggraver. La chute des prix de l'immobilier ne fait que commencer. Quand une bulle craque, elle ne revient pas à la normale tout de suite. Les prix s'effondrent d'abord, descendent bien au-dessous de la réalité avant de remonter vers un point d'équilibre.
Deuxièmement, les Etats et les communautés vont faire face à de grands problèmes. Dans l'Etat de New York, les banques dépendaient énormément des revenus du secteur financier. Mais quand les revenus n'arrivent plus, il faut couper les dépenses, les investissements, annuler les programmes prometteurs à long terme, ne plus aider les pauvres : ce qui implique que l'économie réelle s'écroule encore un peu plus (…).
Toutes ces années, l'administration Bush a préféré procéder à des baisses d'impôts, pensant que la baisse d'impôt est à la réponse à tous les problèmes. C'est le dogme républicain. Or la baisse d'impôts est une partie du problème. Comment peut-on prétendre qu'il s'agissait là d'une solution ?
Le problème des Etats-Unis n'est pas qu'on ne consomme pas assez. Cette baisse d'impôts va nuire à l'économie, surtout en temps de guerre. Tandis que les gens vont voir les prix de leurs maisons s'effondrer, les banques seront réticentes à prêter de l'argent à l'économie réelle -et entre elles, car leur état financier leur est inconnu. Elles ignorent quels risques elles prennent en prêtant de l'argent. Nous n'en sommes qu'au début (…).
Moi d'abord
Pendant toute cette crise, les marchés financiers ont voulu protéger leur avenir, même si cela devait tirer l'économie vers le bas. De manière répétée, le Secrétaire au Trésor a convoqué les gens de Wall Street, proposé de les aider, mais la réponse était “non, nous préférons voir l'économie s'effondrer qu'aller vers plus de régulation”.
Les intérêts sont clairement divergents entre la société et eux. Prenez l'exemple de Fanny Mac et Freddie Mae, les premiers organismes à avoir été aidés par de l'argent public. Ils ont aussitôt versé des dividendes à leurs cadres et leurs actionnaires, prenant de gros risques pour l'économie globale. Le gouvernement leur donnait de l'argent pour l'injecter dans le système, et eux retiraient l'argent pour le verser à leurs actionnaires. C'est inconcevable ! Il y a divergence d'intérêts. A l'avenir, nous ne devrions plus nous tourner vers eux (…).
Surtout pas de transparence
Quand les banques Merill Lynch et Citibank ont connu des problèmes au début de la crise, elles se sont tournées vers d'autres sources de fonds, étrangères, y compris des fonds souverains de plusieurs pays. Elles n'avaient pas le choix. Avec l'épargne américaine proche de zéro, elles se sont tournées vers l'extérieur pour trouver des liquidités. Il y a de quoi s'inquiéter.
Nous sommes ravis quand les puissances étrangères s'ouvrent à nos fonds, mais quand l'inverse se produit, tout le monde est beaucoup plus nerveux. Aujourd'hui les fonds souverains ont essuyé beaucoup de pertes, consécutivement à leurs investissements dans le système financier américain. Ils seront réticents, quoiqu'en disent certains experts, à investir encore plus d'argent dans les Etats-Unis.
Notre problème a empiré, en devenant le leur. Je les vois mal continuer à investir. J'ai parlé à différents dirigeants de fonds souverains et, pour le dire franchement, ils sont très en colère ! Les Etats-Unis leur parlent depuis toujours de transparence, quand notre propre système financier n'a plus rien de transparent. C'est évidemment bon, la transparence.
Mais les fonds d'investissements comme les “hedge funds”, qui gèrent plus d'un milliard de dollars dans le monde ne sont pas transparents. Dire que les fonds souverains doivent être plus transparents dans leurs investissements, et qu'ils peuvent investir dans des “hedge funds” où personne ne sait ce qu'il se passe, comment appeler cela ? Un jeu. Un jeu pour que les gens aient l'impression qu'on est en train d'agir (…).
Emprunter sans rembourser
Il existe une relation directe entre la guerre en Irak et l'état de l'économie américaine. Les foyers, le pays et le gouvernement, conjointement, depuis cinq ans, se sont lourdement endettés.
D'abord, le gouvernement a emprunté des sommes gigantesques. Notre dette a grimpé cette année jusqu'à 9000 milliards de dollars. Aujourd'hui, avec ce que va nous coûter le plan de sauvetage des banques, la crise de l'économie réelle, plus la guerre en Irak, le Congresionnal Budget Office (CBO) prévoit que la dette monte à 15 000 milliards de dollars.
Il faut comprendre que le gouvernement Bush a emprunté chaque cent dépensé pour la guerre en Irak. C'est la seule guerre connue financée par l'emprunt. Normalement, quand on fait la guerre, on diminue les dépenses, on augmente les taxes, on répartit les dépenses sur plusieurs générations (…)
Or en 2001, au début de la guerre, l'administration Bush a procédé à des baisses d'impôts. Puis à une seconde vague de baisses d'impôts. Résultat, la guerre a été payée avec la carte de crédit - d'où l'énorme dette fédérale. Le pays lui-même a emprunté. Le gouvernement ne pouvait plus se tourner vers les Américains, nous avons emprunté plus de 800 milliards de dollars au reste du monde. Et aujourd'hui, l'Amérique est incapable de rembourser sa dette (…)
Pendant que la guerre nous coûtait tant, les ménages américains empruntaient empruntaient, empruntaient… La Réserve Fédérale, la FED -menée par Alan Greenspan et le gouvernement- encourageait ce principe, en gardant ses taux d'intérêts très bas, ainsi qu'une régulation trop permissive. Ainsi, alors même que nous dépensions tellement d'argent pour importer du pétrole, l'économie fonctionnait car tout reposait sur notre consommation à crédit. Les ménages dépensaient, n'épargnaient plus.
Mais ça n'était pas durable. Un jour, le voile devait se déchirer. L'administration Bush espérait cyniquement que cela se produirait après novembre 2008, mais, comme pour beaucoup d'autres choses, cela ne s'est pas passé comme ils l'avaient prévu (…)
Investir dans la guerre, pas la sécurité sociale
Aujourd'hui, après une enquête indépendante, j'évalue le coût global de la guerre en Irak à 3000 milliards de dollars. (…) Larry Kingsley, “chief economic adviser”, disait qu'elle coûterait 200 milliards de dollars : il a été renvoyé par Bush. L'administration prétendait que la guerre ne coûterait pas plus de 50 à 60 milliards de dollars, et qu'il n'y aurait pas plus de trois mois de combats sur le front. (…)
Qu'aurions-nous pu faire avec 3000 milliards de dollars ? A l'époque, le Président estimait que “nous ne pouvions pas nous offrir la sécurité sociale” comme en Europe. Le fait est que, pour le prix d'un sixième de la guerre en Irak, nous aurions pu mettre en place un système de sécurité sociale viable pour les soixante-quinze ans à venir. Dans les faits, nous avons élargi le fossé social, accru les difficultés des gens pour se soigner, tandis que le prix des médicaments montait, sans même voir que ne pas soigner les gens coûte beaucoup au pays, humainement et financièrement.
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Ailleurs sur le Web
- ► La vie et l'œuvre de Joseph Eugene Stiglitz résumées sur Wikipédia
- ► Le site officiel de l'économiste (en anglais)
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4
De Homere
antique poete | 01H51 | 25/05/2009 |
la conclusion est intéressante, le début étant bien connu. Si âpres ca il y en a qui doutent encore qu'ils se sont fait mettre comme il faut, je ne sais plus ce qu'il faut leur dire… au fait, 1/6 des dépenses de guerre auraient suffit a créer un système de protection sociale aux US… et en Europe, a quoi avons nous dépense le pognon qui auraient pu renforcer les services publics, écologie, hôpitaux et éducation en premières lignes ?
De nemo3637
Déchoukeur | 04H14 | 25/05/2009 |
Article remarquable et analyses connues mais exposées ici bien tardivement sur Rue89 qui préfère passer régulièrement des papotages ou les chroniques de Jean Matouk. De temps à autre on doit quand même trop sentir la brise de la vacuité du point de vue économique.
La faillite de GM annoncée pour ces prochains jours, l'état de banqueroute de 44 états des Etats-Unis, celui de la Grande-Bretagne - en situation technique de cessation de paiement - le déclassement par Standard & Poor's de la dette du Royaume Uni, et l'Irlande … et des USA, anticipe la chute du dollar, perdant déjà son triple AAA symbole de confiance.
Quand aura lieu l'effondrement du système monétaire international ? Avant ou après les vacances d'été ? C'est une question de quelques semaines.
Qui nous parle de cela ? Ce sont des fantasmes ?
Depuis le 21 janvier l'administration Obama a fait émettre 6360 milliards de dollars en bons du Trésor. Pendant la même période la planche à billets à fonctionné pour émettre 2000 milliards de dollars. Il faut ajouter à cela 1900 milliards de dollars de déficit budgétaire.
Le scénario est celui d'une crise en forme de u très large pendant plusieurs années. Mais on pourrait finir aussi avec une hyperinflation car les Usa et la Grande-Bretagne n'auront d'autre choix que de faire marcher la planche à billets. Mais il y a aussi une bonne raison à ne pas vouloir regarder ces graves questions. Touchant de plein fouet la société capitaliste, elles obligent à immanquablement évoquer une alternative à celle-ci. Et là, pour beaucoup, c'est tout bonnement insupportable, revenant à imaginer, comme tenterait de le faire le citoyen de l'Antiquité, un monde sans Rome.
Evoquer cette « fin du monde » ou plutôt cette « fin d'un monde » ce serait être projeté en Enfer, en Barbarie (le totalitarisme soviétique…).
De Blédine
formation en illettrisme | 06H31 | 25/05/2009 |
Cet article est clair, compréhensible et nous donne un avant goût de la politique du kicsi. Je ne pense pas que les élites européennes remettent en question l'économie de marché même si ils savent que l'on va droit dans le mur. Leur objectif est d'aligner l'Europe sur les Etats-Unis quel qu'en soit le prix.
Les banques décident, les politiques suivent.
Pour le moment, les ménages sont invités à consommer, pas à faire des économies. L'écologie pourraient créer des emplois mais il me semble que ce n'est pas l'urgence de nos gouvernants. L'urgence se situe dans le travailler le dimanche, travailler jusqu'à 70 ans pendant que les jeunes attendent que notre société veuille bien créer des emplois. Il est plus rentable pour les banques d'avoir 5 millions de chômeurs et 7 millions de travailleurs pauvres, de conduire des réformes qui cassent la société.
De Le Yéti
yetiblog.org | 08H19 | 25/05/2009 |
Eh oui, si même les prix Nobel d'économie leur volent dans les plumes maintenant ! Rappelons que nous en avons un aussi en France. Un seul, et vivant. Maurice Allais. Mais vous ne l'entendrez, ne le lirez jamais sur nos médias serviles du cénacle. Ils lui préfèrent Minc, Attali et François Lamy. Figurez-vous que notre iconoclaste est :
1/ opposé à l'Europe du libre-échange (il a publiquement pris position contre le traité constitutionnel européen) ;
2/ pour un protectionnisme et contre « la doctrine laissez-fairiste mondialiste » ;
3/ contre la création monétaire artificielle par les banques (l'argent de la dette, dit-il).
Bref, de la quasi-racaille pour nos vautrés prêcheurs de la pensée unique néolibérale.
Citation : « Par essence, la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs, si justement réprimée par la loi. »
(Maurice Allais, La Crise mondiale aujourd'hui)
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mercredi, 20 mai 2009
1e Ministre : Tableau de bord "Dépenses publiques européennes"
Vision agrégée et comparative des dépenses publiques européennes, établie sur la base de données relatives aux dépenses réalisées par l’UE et l’ensemble de ses Etats membres en 2006 (dernière année de recensement).
Ces données ont été chaque fois que possible comparées à celles recueillies pour les USA, le Canada, le Japon et la Suisse.
http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=986
Principaux enseignements
1 – dépenses publiques européennes d’un niveau important
Les dépenses publiques européennes totales (dépenses nationales + dépenses communautaires) se sont élevées à environ 47,6% du PIB en 2006, soit un niveau nettement supérieur à celui enregistré aux USA (33,3% du PIB), au Japon (33,7% du PIB), en Suisse (34,5% du PIB) et au Canada (37,8% du PIB).
Le niveau des dépenses publiques européennes hors protection sociale et santé s’est établi à 22,9% du PIB, c'est-à-dire à un niveau comparable à celui constaté au Canada (22,1%), légèrement supérieur à celui constaté aux USA (18,7%) et supérieur à celui constaté au Japon (15,7%).
2 – dépenses publiques européennes bénéficiant très majoritairement aux dépenses de croissance et de compétitivité
En 2006, les dépenses publiques européennes ont été majoritairement allouées à :
- des dépenses pour la croissance et la compétitivité (57% des dépenses – 36,7% hors protection sociale et santé) ;
- et à des dépenses dédiées au secteur liberté, sécurité, justice etc. (20% des dépenses).
Elles ont été affectées de manière beaucoup plus limitée à :
- des dépenses de relations extérieures, y inclus la défense (4% des dépenses) ;
- des dépenses de cohésion territoriale (3% des dépenses) ;
- et à des dépenses dédiées à la conservation des ressources naturelles, dont l’agriculture (3% des dépenses).
Cette hiérarchie des dépenses publiques totales est identique à celle constatée aux USA, au Canada et en Suisse pour les trois premiers postes de dépenses.
Elle est différente pour les deux autres secteurs : les dépenses liées aux ressources naturelles (dont l’agriculture) sont ainsi au 6ème rang en Europe, au 5ème rang aux USA et au 4ème rang au Canada et en Suisse ; les dépenses liées aux relations extérieures sont au 4ème rang en Europe et aux USA, mais au 6ème rang au Canada et en Suisse –ces hiérarchies différentes ne préjugeant pas de la proportion relative de ces dépenses.
3 – dépenses communautaires dont le poids est globalement très limité
Les dépenses communautaires ont représenté en 2006 :
- 0,9% du PIB de l’UE, contre 46,7% du PIB pour les dépenses publiques nationales (22% du PIB hors protection sociale et santé) ;
- 0,8% du PIB de l’UE, si l’on s’en tient aux seules dépenses opérationnelles « réparties » au bénéfice des Etats membres de l’UE (en excluant les dépenses de relations extérieures et d’administration) ;
- 1,8% des dépenses publiques totales réalisées dans l’UE, contre 98,2% pour les Etats
membres (respectivement 4,3% et 95,7% des dépenses hors protection sociale et santé).
4 – dépenses communautaires dont le poids est substantiel dans certains secteurs
La part moyenne des dépenses communautaires « réparties » (c’est-à-dire dépensées sur le territoire des Etats membres) au regard de la dépense totale réalisée sur le territoire des Etats membres de l’UE dans chaque rubrique est :
- substantielle dans la rubrique « conversation et gestion des ressources naturelles » (32,9 % des dépenses totales en moyenne) ;
- importante dans la rubrique « cohésion » (18,4% des dépenses totales en moyenne) ;
- très limitée dans les rubriques « compétitivité » (0,2% protection sociale incluse, 0,8 % hors protection sociale) et « liberté, sécurité, justice etc. » (0,1% santé incluse, 0,3 % hors santé).
La part relative des dépenses communautaires réparties dans les dépenses publiques totales peut s’avérer plus substantielle dans quelques domaines d’intervention précis. En France, elle s’est ainsi élevée à :
- plus des 3/4 du total des dépenses publiques dans le domaine de l’agriculture, si l’on s’en tient aux aides directes aux agriculteurs (voir précisions « Partie 2 », paragraphe 2.4.2.) ;
- environ 60% du total des dépenses dans le domaine du développement rural ;
- environ 43% du total des dépenses dans le domaine de la pêche ;
- environ la moitié du total des dépenses dans le domaine de la cohésion territoriale (hors logement), si l’on s’en tient aux seules dépenses cofinancées par l’UE et les autorités publiques françaises (voir précisions « Partie 2 », paragraphe 2.3.2.).16
5 – Des dépenses communautaires dont le poids peut aussi être substantiel dans certains pays
Le poids relatif des dépenses communautaires « réparties » varie fortement selon les pays, d’abord parce que ces dépenses sont distribuées de manière différenciée (les pays agricoles bénéficient de davantage de dépenses agricoles etc.), mais aussi et surtout en raison de l’hétérogénéité des pays de l’UE :
- hétérogénéité en termes de niveaux absolus de richesse, qui varient de 1 à 457 (écart entre Malte et l’Allemagne) : d’où un impact différencié des dépenses communautaires réparties, qui fluctue autour de la moyenne européenne (0,8% du PIB) et varie de 0,4% du PIB aux Pays-Bas à 3,3% du PIB en Lituanie (ce niveau s’établissant à 0,72% du PIB en France) ;
- hétérogénéité en termes de niveau de dépenses publiques nationales au regard de la moyenne communautaire (46,7% du PIB), puisque ce niveau oscille de 54,3% (Suède) à 31,7% du PIB (Slovaquie), la France se situant à près de 53% : d’où un impact là aussi très différencié du poids des dépenses communautaires réparties, qui fluctue autour de la moyenne européenne (4,3% du PIB hors protection sociale et santé) et varie de 2% des dépenses publiques totales réalisées aux Pays-Bas à 17,1% en Lituanie (ce niveau s’établissant à environ 4% en France).
Le poids des dépenses communautaires réparties présente ainsi de fortes disparités selon les pays :
- dans la rubrique « cohésion », le poids des dépenses communautaires réparties dans les dépenses totales est inférieur à 10% dans des pays comme le Danemark et les Pays-Bas mais dépasse 40% de la dépense publique totale dans 4 pays (à hauteur de 49,3 % pour l’Estonie) ;
- dans la rubrique « conservation et gestion des ressources naturelles », le poids des dépenses communautaires réparties dans les dépenses publiques totales est inférieur à 10% à Malte et au Luxembourg, mais il dépasse le seuil de 50% des dépenses en Irlande, au Portugal et en Grèce.
6 – La répartition des dépenses européennes entre niveaux « central » (UE) et « régional » (Etats membres) est atypique
au regard de celle constatée aux USA, au Canada et en Suisse, sauf dans le domaine de la « conservation et gestion des ressources naturelles » (y inclus l’agriculture)
La spécificité de l’UE en matière de répartition des dépenses entre niveau central et régional est particulièrement marquée :
- dans la rubrique « cohésion », où les dépenses sont très fortement centralisées aux USA, au Canada et en Suisse (à hauteur de presque 100%), alors qu’elles sont fortement (83,6%) réalisées au niveau « régional » en UE (c’est à dire par les Etats membres);
- dans la rubrique « relations extérieures », où les dépenses sont très fortement centralisées aux USA, en Canada et en Suisse (à hauteur de presque 100%), alors qu’elles sont très fortement (96,9%) réalisées au niveau « régional » en UE.
La situation de l’UE dans la rubrique « liberté, sécurité, justice etc. » apparaît elle aussi atypique au regard de celle de deux des trois autres pays. Ces dépenses sont en effet centralisées à hauteur de 0,1% dans l’UE, 3,8% en Suisse, 29,3% au Canada et 54,1% aux USA.
La situation de l’UE dans la rubrique « conservation et gestion des ressources naturelles » est en revanche conforme à celle de deux des trois autres pays, puisque ces dépenses sont centralisées à hauteur de 34,5% dans l’UE, 33% au Canada, 36,2% en Suisse et 71% aux USA.
7 – D’importantes dépenses européennes non communautaires existent dans certains secteurs
Si l’européanisation des dépenses publiques passe principalement par le budget de l’UE (à hauteur de 0,9% du PIB), le débat relatif à la répartition des dépenses entre niveau national et niveau communautaire doit aussi tenir compte de l’existence de dépenses européennes non communautaires.
Ces dépenses sont pour l’heure largement concentrées dans deux secteurs :
-celui de la recherche et du développement technologique, où elles se sont élevées à plus de 3,8 milliards d’euros en 2006, soit près des 3/4 des dépenses communautaires du même secteur.
- celui des relations extérieures, où elles ont atteint 4,6 milliards d’euros en 2006, soit près des 3/4 des dépenses communautaires du même secteur.
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Conclusions du rapport Cotis
Le rapport COTIS "Partage de la valeur ajoutée, partage des profits" prend le contrepied d’un certain nombre d’idées reçues du moment.
L’étude se fonde sur la valeur ajoutée des sociétés non financières. Les sociétés financières, les ménages (loyers et aides à la personne) et les entreprises individuelles, qui représentent 43% de la valeur ajoutée française, ne sont pas étudiées ou le sont indirectement.
Rappels :
A l’échelle de l’entreprise, la valeur ajoutée se définit comme la différence entre la production et les consommations intermédiaires utilisées
A l’échelle d'un secteur ou d'une économie, la valeur ajoutée correspond à la somme des valeurs ajoutées des production faites sur le territoire français par ses agents (entreprises, administrations publiques ou ménages). Cette agrégation ne comporte aucun double compte, elle intègre le fait qu’une partie de la production est utilisée comme consommation intermédiaire ailleurs dans l’économie et transformée au cours du processus de production.
La valeur ajoutée - hors impôts sur la production nets des subventions d’exploitation – se subdivise en :
- revenus du travail (salaires, primes, avantages en nature, charges sociales + participation et intéressement)
- excédent brut d’exploitation ou profit brut.
Ce profit brut se répartit entre cinq grands usages :
- le paiement de l'impôt sur les sociétés (IS) ;
- le versement d'intérêts, net des intérêts reçus ;
- la distribution de revenus aux propriétaires du capital, nette des mêmes revenus reçus ;
- diverses autres opérations (prestations sociales versées au titre des régimes d'employeurs, nettes des cotisations reçues, primes d'assurance-dommage, nettes des indemnités reçues,autres transferts courants divers) regroupées en une seule catégorie ;
- l'épargne qui correspond au revenu qui reste disponible pour l’autofinancement des investissements ou l’alimentation de la trésorerie.
Les conclusions légèrement condensées :
(a) La mesure du partage de la valeur ajoutée restreinte aux sociétés non financières montre- une grande stabilité du partage jusqu’au premier choc pétrolier (avec une part des salaires superbruts dans la VA d’environ 70%),
- puis d’une forte déformation en faveur du travail
- suivi d’un mouvement contraire qui l’a ramené, dans la deuxième moitié des années 1980, à un niveau légèrement plus bas qu’avant le choc.
Depuis cette date, le ratio des salaires superbruts à la valeur ajoutée a peu évolué.
(b) Malgré la très forte sensibilité du ratio aux dates entre lesquelles on le compare, on peut dire que :
- Il y a eu une stabilité parfaite entre 1987 et 2007,
- une forte baisse si on se réfère au point haut de 1982 -mais dont on admet le plus souvent qu’il n’était pas un point d’équilibre-,
- et une baisse faible si on se réfère à la période d’avant 1974, pour autant que la comparaison à des dates aussi éloignées puisse être pertinente.
(c) En dépit du caractère forcément artificiel de l’élargissement du constat à l’ensemble de l’économie , la méthode la plus précise retombe sur une évolution assez proche de celle constatée sur le champ des SNF.
(d) Pour les mêmes raisons, les comparaisons internationales présentent aussi une certaine fragilité . Selon les données disponibles, il semble cependant que la stabilité relative qu’on observe dans le cas de la France ne se retrouve pas dans d’autres pays développés ou la part des salaires a tendance à régresser – notamment en Allemagne.
(e) Ceci ne signifie pas que les salaires français ont connu une dynamique satisfaisante. La croissance des salaires nets depuis 20 ans est extrêmement faible.
La première explication est la faiblesse de la croissance globale : une part constante de la VA reste en effet insuffisante à générer de fortes hausses de salaire lorsque la croissance est lente.
(f) Une seconde explication est la hausse de la part des salaires qui va au financement de la protection sociale. La France a fait le choix d’une protection sociale de haut niveau
et dont la part dans le PIB a crû régulièrement sur la période analysée. Cette protection sociale contribue positivement aux conditions de vie de l’ensemble de la population, mais elle conduit à un écart substantiel entre dynamique du salaire superbrut et du salaire net.(g) Une troisième explication est la montée de l’emploi précaire. Les salaires pondérés par les durées moyennes passées en emploi au cours de l’année – ce que l’on appelle le revenu salarial – sont encore moins dynamiques que le salaire moyen perçu par une personne travaillant sans interruption tout au long de l’année.
(h) Par ailleurs, même pour des salariés travaillant à temps complet tout au long de l’année, la croissance des salaires n’a pas été uniforme tout au long de l’échelle des revenus. Elle a été légèrement plus rapide au bas de l’échelle en raison des politiques de revalorisation du SMIC. Elle a été relativement étale entre les 10 % les moins bien payés et les 10 ou même 5% les mieux payés, et elle a été sensiblement plus rapide sur les 10 dernières années pour les salariés situés tout en haut de la distribution : les 1% ou les 1 pour mille les mieux payés. Ceci a pu contribuer au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle.
(i) S’agissant des profits, leur utilisation a aussi connu des évolutions marquées. Le pic de déformation du partage de la VA au début des années 1980 s’était accompagné d’une forte montée de l’endettement des entreprises qui s’est résorbé depuis. La charge d’intérêts s’est ainsi réduite, essentiellement au profit des versements de dividendes. C’est en termes de flux bruts que les dividendes ont connu l’évolution la plus spectaculaire, mais celle-ci reste encore très importante pour les flux nets, dont la part dans la VA a pratiquement doublé depuis une dizaine d’années. Sur la période récente, cette progression des dividendes a été associée à une baisse de l’autofinancement des investissements.
(j) Quelle que soit la variable étudiée, il faut insister sur la très grande diversité des situations des entreprises. Le présent rapport s’efforce d’éclairer cette diversité, en remontant aux données d’entreprise. Ne bénéficiant pas du même travail de consolidation et d’harmonisation que la comptabilité nationale, ces analyses microéconomiques doivent être considérées avec prudence, mais elles illustrent bien les difficultés qui peuvent être rencontrées si l’on ne raisonne qu’en termes agrégés.
Mise en parallèle avec une analyse de Michel HUSSON (ATTAC)
http://hussonet.free.fr/cotish7.pdf
Michel Husson analyse le ratio dividendes des actionnaires sur revenus du travail pour en tirer la conclusion que les revenus des actionnaires ont augmentés par rapport aux revenus du travail. Cette présentation trompeuse, qui laisse penser que cet accroissement des dividendes se fait au détriment de la part du travail, reprise à la lumière de la décomposition présentée en tête de l’article et de l’analyse des données de la comptabilité nationale, montre seulement que les dividendes ont été pris sur les investissements :
Le montant des dividendes versés aux actionnaires a quasiment quintuplé depuis 1993, tandis que l'autofinancement des investissements par les entreprises a baissé.
Les conclusions de la mission indiquent aussi que les profits vont
- pour 36 % aux revenus du capital,
- pour 57 % à l'investissement
- et 7 % à la participation et l'intéressement, c’est à dire l’épargne salariale non soumise à charges,
des proportions qui varient cependant selon la taille des entreprises.
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vendredi, 15 mai 2009
Fondation Gabriel PERI - Peut-on réformer le capitalisme financiarisé ?
Autant je partage l’analyse que je trouve excellente,
autant la conclusion “Récréer un espace économique socialiste”
me semble décevante.
http://www.gabrielperi.fr/IMG/article_PDF/Peut-on-reforme...
Copyright © Fondation Gabriel Péri
Tony Andreani, Professeur émérite de sciences politiques à l'université Paris VIII. Docteur en philosophioe, ancien Directeur du Centre de philosophie politique, économique et sociale, Unité de recherche associée au CNRS, membre des Comités de direction ou d'orientation de plusieurs revues ( Utopie critique, La Pensée, Actuel Marx, Variation), ainsi que de l'association Espaces Marx et de la Fondation Copernic.
Paru 13 novembre 2008
Les grands traits du capitalisme financiarisé
- les propriétaires des entreprises ne sont plus de gros actionnaires, des banques très liées aux entreprises, ou encore d'autres entreprises, mais de grands acteurs financiers, ceux qu'on appelle les investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds mutuels, compagnies d'assurance, grandes banques internationales pour certaines de leurs activités) ou des fonds de la private equity. Acteurs colossaux, qui n'ont souvent que de faibles parts du capital, mais ont un grand pouvoir.
- ces acteurs sont des actionnaires volatiles. La raison en est simple : ils doivent, du moins pour les premiers, verser des revenus à tout instant, ou presque, à leurs innombrables épargnants. C'est pourquoi ils sont orientés vers le court terme, et en sont venus à exiger des entreprises des bilans d'activité trimestriels.
- ils cherchent à maximiser la valeur actionnariale des actions qu'ils détiennent, sous forme de dividendes et de plus-values à la revente. Et l'on sait que la norme est un minimum de 15% de retour sur investissement, c'est-à-dire bien plus qu'un intérêt additionné d'une prime de risque, alors que le taux de croissance de l'économie mondiale a tourné, dans le meilleur des cas, autour de 5%.
Cela signifie que des profits aussi élevés n'étaient possibles que sur fond de stagnation ou de déflation des salaires et que la finance s'est approprié l'intégralité des gains de productivité, comme le prouve la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Cela signifie aussi que le mode de gestion des grandes entreprises a été profondément modifié : recentrage sur le " coeur de métier ", développement de la filialisation, de la sous-traitance, des délocalisations, et pression non seulement sur les salaires, mais encore sur la durée et les conditions du travail. De tels profits impliquaient un prélèvement sur ceux des petites et moyennes entreprises et une surexploitation du travail. - l'essor du capitalisme financiarisé supposait un libre-échange aussi poussé que possible, de manière à pouvoir investir et commercer partout sur la planète, et de manière à pouvoir mettre en concurrence les systèmes sociaux de tous les pays, et en définitive, les travailleurs du monde entier.
L'inflation du crédit et de la spéculation pure
Ce nouveau régime de propriété et la mondialisation qui l'accompagne et le soutient ont été renforcés par l'explosion du crédit, qui permettait, avec peu de capital, de faire de grandes affaires. C'est là quelque chose de paradoxal, car on nous avait expliqué que le grand atout de ce modèle de développement était de pouvoir faire appel directement à l'épargne, par le biais de la Bourse ou de gré à gré, sans passer par le détour du crédit bancaire, autrement dit qu'une économie de marchés financiers serait plus efficace qu'une économie d'endettement. Or jamais les acteurs économiques ne se sont autant endettés, des banques d'investissement aux fonds alternatifs, et des grandes entreprises aux ménages les plus modestes, sans oublier les Etats. Et l'on s'aperçoit que la Bourse ne sert que très peu au financement des entreprises : elle le fait uniquement lors des introductions et des augmentations de capital, et les rachats massifs de leurs actions par les grandes entreprises font que le financement net est égal à zéro (l'immensité des transactions boursières ne concerne que des titres déjà émis, un marché de l'occasion donc).
Favorisé par des taux d'intérêt relativement bas, surtout aux Etats-Unis pour y relancer la machine économique, le crédit est devenu une potion magique. On a vu ainsi des fonds spéculatifs emprunter jusqu'à 100 fois leur mise. Et, de prêteur en emprunteur, c'est un véritable système de cavalerie qui s'est installé, jusqu'à ce que les emprunteurs finaux, les ménages ou les entreprises, se trouvent dans l'incapacité de rembourser (c'est ainsi qu'a démarré la crise, dans le secteur des prêts hypothécaires américains).
Dans cette économie dérégulée, où les taux de change, les taux d'intérêt, le prix des actions variaient constamment, les acteurs ont cherché à se couvrir, ce qui a engendré la montagne des transactions sur les produits dérivés, qui représentent de la spéculation pure (on spécule non plus sur les profits des entreprises, mais sur les risques des échanges), spécialité de départements entiers des banques universelles, des banques dites d'investissement (qui, en réalité, font surtout du trading), et des hedge funds, et source des gains les plus élevés. Ajoutons à cela quelques innovations financières, telles que la titrisation, les ventes à découvert, ou les normes comptables fondées sur la valeur de marché des actifs, et les assurances contre le risque de crédit lui-même, et la sphère financière est devenue hypertrophiée, immense bulle financière qui a fini logiquement par crever.
Le capitalisme financiarisé, et son appendice, la spéculation pure gonflée par le crédit, semble donc bien être arrivé aux limites. On peut s'attendre à une récession sévère, qui risque de durer plusieurs années, et qui atteint par contagion, quoique à des degrés divers, tous les pays.
Des propositions de réforme qui ne sont qu'un ravaudage du système
Je ne vais pas entrer ici dans le détail de toutes ces propositions, qui se sont multipliées avec l'aggravation de la crise. J'en prendrai seulement quelques unes, et je dirai qu'elles ne sont que des demi-mesures, qui conservent toutes les pièces du système. Par exemple, s'agissant des abus du crédit, il n'est pas question d'interdire la titrisation, mais seulement de l'aménager. De même en ce qui concerne le volet les plus spéculatif du capitalisme financiarisé, il n'est pas question d'interdire les hedge funds ou de limiter leur champ d'action, mais seulement d'exiger d'eux plus de transparence. Et, à ce sujet, il n'est pas question d'interdire les transactions avec les paradis fiscaux et réglementaires (où la plupart des hedge funds sont logés), mais seulement de demander à ces derniers plus de coopération.
Qui plus est, ces propositions, pour pouvoir être mises en oeuvre, supposent des accords internationaux, car ceux qui ne les appliqueraient pas attireraient les capitaux au détriment des autres. Or il est probable que, lors des futurs sommets mondiaux, comme celui du G20 qui va se tenir incessamment, elles seront toutes revues à la baisse. En outre on peut faire confiance aux acteurs financiers pour les contourner de toutes les façons. Il y a donc, malheureusement, fort à parier que, une fois le sauvetage des grandes banques opéré par des refinancements, et, en désespoir de cause, par des nationalisations partielles, mais provisoires, le système repartira de plus belle, et que cela débouchera sur une crise financière et économique d'une gravité encore plus grande.
Toutes les propositions ne touchent en effet qu'aux symptômes, et non à la racine du mal.
Les causes profondes de la crise de ce capitalisme
La première cause tient, selon moi, au fonctionnement des marchés financiers eux-mêmes. L'évaluation de la valeur des actifs des entreprises par la Bourse repose sur les analystes financiers : or qu'en savent-ils sinon lors des road shows que les dirigeants organisent à leur intention, et qui ne consistent qu'en chiffres, plus quelques informations supplémentaires ? En réalité ils sont nécessairement victimes de ce qu'on appelle une asymétrie d'information. Ceci explique leur foncière incompétence, bien supérieure à celle des cabinets d'audit, eux-mêmes fort loin de pratiquer une enquête objective, notamment auprès des salariés, puisqu'ils sont payés par ces directions. Ajoutons que celles-ci ont montré, notamment à l'occasion de scandales fameux, qu'ils n'hésitaient pas à maquiller la réalité.
Ensuite le système d'information est vicié par ce qu'on appelle pudiquement les conflits d'intérêt, et qui mériterait mieux le nom de corruption. L'ensemble des marchés financiers se prête à ce qu'on pourrait appeler un vaste délit d'initiés, parce que toutes les instances de conseil et d'évaluation sont financées par les entreprises elles-mêmes.
Croit-on vraiment qu'on arrivera à séparer dans une banque l'activité de conseil aux entreprises de l'activité de placement auprès des épargnants ? Prenons encore l'exemple des agences de notation : croit-on vraiment que, même en remplaçant leur financement par des fondations privées par une taxe, elles fourniront des évaluations plus sûres ? La raison voudrait qu'on les remplace par des agences publiques, puisqu'elles fournissent un bien public, mais cela n'est nullement envisagé, auto-régulation des marchés oblige.
Troisièmement, les marchés financiers sont structurellement instables, comme on le sait depuis longtemps, et comme Keynes l'avait lumineusement montré : comportements mimétiques ou moutonniers, prophéties auto-réalisatrices sont inhérents à leur fonctionnement, et la crise actuelle, avec ses journées de panique, ses petits regains de confiance, et ses rechutes le lendemain, le prouve abondamment. Il est absurde que des entreprises saines et profitables aient perdu jusqu'à 70 ou 90% de leur valorisation, même si les perspectives de l'économie sont plutôt sombres.
Enfin, last but not least, ces marchés, par leur fonctionnement en continu, par leur multiplication (dès qu'il y a un problème on crée un marché censé le résoudre : ainsi pour le récent marché du carbone), par l'immensité des opérations de couverture liées au flottement généralisé, représentent un énorme prélèvement sur la richesse produite (la finance par exemple est à l'origine de 14% du PIB de la Grande Bretagne). Tout cela est exorbitant par rapport aux services rendus.
Dès lors c'est tout le système du capitalisme financiarisé qu'il faudrait remettre en cause. Diverses propositions ont été faites, mais jusqu'à présent repoussées d'un revers de main. J'en énoncerai seulement quelques unes, qui me paraissent hautement souhaitables, si l'on pense que le capitalisme n'est pas près de sa fin, et qu'un secteur capitaliste dans l'économie devrait continuer à servir de challenger pour tout autre système économique.
Au niveau des rapports de propriété, il conviendrait que les actionnaires, qui resteraient sans doute de grosses institutions, soient tenus de s'engager durablement dans les entreprises (les actionnaires flottants perdant leur droit de vote) - résultat qui peut être obtenu par des mesures législatives et fiscales relativement simples. Ayant des objectifs de long terme, ces actionnaires, mieux informés, pourraient accompagner les entreprises dans leurs plans d'investissement et dans leur recherche d'innovations. Ceci milite d'ailleurs pour la présence de l'Etat (ou d'organismes publics), même minoritaire, dans le capital et dans les conseils d'administration. De même de tels actionnaires stables (on rappellera qu'aujourd'hui la durée de détention d'une action est en moyenne de 6 mois) pourraient s'assurer que les opérations de concentration du capital, via des OPA et des OPE non hostiles, seraient source de véritables économies d'échelle, et non le résultat du délire de grandeur de dirigeants se livrant d'homériques batailles de communication. On peut penser que le mode de gestion des entreprises en serait quelque peu changé : ces actionnaires seraient plus attentifs aux autres parties prenantes de l'entreprise, à commencer par les salariés, qui sont le ressort profond de la réussite d'une entreprise.
La stabilité de l'actionnariat capitaliste priverait la Bourse des actions d'une grande partie de son carburant, et pas suite les marchés qui en dérivent. Le marché obligataire secondaire se rétrécirait également, puisque l'évaluation des risques serait moins soumise aux aléas.
Dans le même ordre d'idées, il semblerait judicieux de séparer à nouveau les banques de dépôts des banques d'investissement, ou, pour le moins, de réintégrer les activités sur les marchés financiers dans les bilans des banques.
En ce qui concerne les marchés des changes, on pourrait également réduire leurs fluctuations en rétablissant un système de changes fixes, mais ajustables, entre des monnaies regroupées autour d'une monnaie de référence dans des cadres régionaux.
Enfin un protectionnisme non pas purement défensif, mais ciblé et négocié éviterait les mouvements spéculatifs constants et réduirait les opérations de couverture qui en sont le corollaire.
Voici donc quelques propositions qui pourraient rendre le capitalisme plus rationnel et moins brutal, en même temps qu'elles permettraient de dégonfler la sphère financière. Mais elles impliquent une révision tellement déchirante des dogmes néo-libéraux et porteraient une telle atteinte aux intérêts d'une grande partie de la finance qu'elles se heurteront à une résistance farouche, tant politique qu'idéologique. C'est pourquoi l'heure me semble venue d'ouvrir une autre perspective, bien plus favorable au salariat et bien plus susceptible de susciter une mobilisation populaire.
Recréer un espace économique socialiste
Les services publics doivent réintégrer la sphère publique, puisqu'il doivent être conçus comme des piliers de la citoyenneté, et donc être de la responsabilité de l'Etat. La nationalisation, qui devrait être à 100%, se ferait cependant sous une forme nouvelle, comportant notamment une participation à la gestion des fonctionnaires, ou des agents (dans le cas de services publics marchands) et des usagers. Ce qu'on a pu désigner sous le nom d'appropriation sociale. Ils ne sauraient être soumis à la rentabilité financière, mais seulement à une rentabilité économique (dans le deuxième cas).
Ici se pose en particulier la question des banques. Comme elles sont essentielles au fonctionnement de l'économie et fournissent un quasi-service public, un pôle public bancaire serait institué, qui fonctionnerait en liaison avec les pouvoirs publics locaux et national (voire nationaux, si par exemple plusieurs pays européens se mettaient d'accord), pour distribuer des crédits bonifiés ou garantis par ces derniers afin de soutenir des politiques publiques.
Quant à la Banque centrale, elle cesserait d'être indépendante, puisque sa politique monétaire serait soumise aux objectifs décidés par le gouvernement, tout en gardant l'autonomie nécessaire.
Mais le nouveau socialisme s'étendrait au-delà des services publics : il y aurait des entreprises publiques, ou semi-publiques, produisant des biens marchands ordinaires, qui se différencieraient des entreprises privées en ce qu'elles ne seraient pas soumises à des normes de rentabilité financière aussi élevées et en ce qu'elles comporteraient une large participation des salariés à la gestion. Il s'agit ici d'éviter un double écueil : celui d'un concubinage avec l'exécutif, celui de l'alignement sur le mode de gestion capitaliste. A cet égard on pourrait penser que les propriétaires (majoritaires) de ces entreprises seraient des fonds publics d'investissement, faisant appel à l'épargne populaire, et n'intervenant pas en Bourse, mais sur un marché spécial, de gré à gré.
Enfin le nouveau socialisme comporterait un secteur socialisé, de type coopératif, reposant en partie sur l'autogestion et restant totalement extérieur aux marchés financiers.
Dans cette perspective alternative, les règles du libre-échange seraient profondément modifiées : les Etats doivent pouvoir se protéger socialement, économiquement, et sur le plan environnemental, en fixant leurs conditions (ce qui suppose le retour à un contrôle partiel des changes, et une taxation des mouvements de capitaux). Mais il ne s'agirait pas d'un protectionnisme de combat, comme celui qui va probablement refaire son apparition dans les
économies capitalistes. Ce nouveau protectionnisme s'inspirerait de la Charte de La Havane de 1948 : il serait négocié pour qu'il joue à l'avantage de tous les partenaires. En outre le produit des taxes (ciblées) serait reversé aux pays en développement pour qu'ils puissent élever leurs standards sociaux.
Se poserait enfin la question d'un nouvel ordre financier et monétaire international, en retrouvant les propositions de Keynes d'une monnaie mondiale (le bancor) et d'une Banque centrale internationale. Mais il s'agit là d'une perspective bien lointaine, qui ne verra sans doute le jour que sous l'emprise de la nécessité. Dans un horizon plus proche, on ira sans doute vers des monnaies régionales, plus ou moins coordonnées entre elles.
On voit que l'horizon n'est pas bouché, que nous ne sommes par condamnés à attendre une nouvelle crise du capitalisme financiarisé, qui serait encore plus grave que la crise actuelle. Des alternatives sont d'ores et déjà possibles, du national au mondial. C'est maintenant, à la faveur de la grande crise qui menace toutes les économies de la planète, d'une sévère récession et des plus grands reculs démocratique, qu'il faut commencer à réfléchir vite et à agir.
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