mercredi, 20 mai 2009
Conclusions du rapport Cotis
Le rapport COTIS "Partage de la valeur ajoutée, partage des profits" prend le contrepied d’un certain nombre d’idées reçues du moment.
L’étude se fonde sur la valeur ajoutée des sociétés non financières. Les sociétés financières, les ménages (loyers et aides à la personne) et les entreprises individuelles, qui représentent 43% de la valeur ajoutée française, ne sont pas étudiées ou le sont indirectement.
Rappels :
A l’échelle de l’entreprise, la valeur ajoutée se définit comme la différence entre la production et les consommations intermédiaires utilisées
A l’échelle d'un secteur ou d'une économie, la valeur ajoutée correspond à la somme des valeurs ajoutées des production faites sur le territoire français par ses agents (entreprises, administrations publiques ou ménages). Cette agrégation ne comporte aucun double compte, elle intègre le fait qu’une partie de la production est utilisée comme consommation intermédiaire ailleurs dans l’économie et transformée au cours du processus de production.
La valeur ajoutée - hors impôts sur la production nets des subventions d’exploitation – se subdivise en :
- revenus du travail (salaires, primes, avantages en nature, charges sociales + participation et intéressement)
- excédent brut d’exploitation ou profit brut.
Ce profit brut se répartit entre cinq grands usages :
- le paiement de l'impôt sur les sociétés (IS) ;
- le versement d'intérêts, net des intérêts reçus ;
- la distribution de revenus aux propriétaires du capital, nette des mêmes revenus reçus ;
- diverses autres opérations (prestations sociales versées au titre des régimes d'employeurs, nettes des cotisations reçues, primes d'assurance-dommage, nettes des indemnités reçues,autres transferts courants divers) regroupées en une seule catégorie ;
- l'épargne qui correspond au revenu qui reste disponible pour l’autofinancement des investissements ou l’alimentation de la trésorerie.
Les conclusions légèrement condensées :
(a) La mesure du partage de la valeur ajoutée restreinte aux sociétés non financières montre- une grande stabilité du partage jusqu’au premier choc pétrolier (avec une part des salaires superbruts dans la VA d’environ 70%),
- puis d’une forte déformation en faveur du travail
- suivi d’un mouvement contraire qui l’a ramené, dans la deuxième moitié des années 1980, à un niveau légèrement plus bas qu’avant le choc.
Depuis cette date, le ratio des salaires superbruts à la valeur ajoutée a peu évolué.
(b) Malgré la très forte sensibilité du ratio aux dates entre lesquelles on le compare, on peut dire que :
- Il y a eu une stabilité parfaite entre 1987 et 2007,
- une forte baisse si on se réfère au point haut de 1982 -mais dont on admet le plus souvent qu’il n’était pas un point d’équilibre-,
- et une baisse faible si on se réfère à la période d’avant 1974, pour autant que la comparaison à des dates aussi éloignées puisse être pertinente.
(c) En dépit du caractère forcément artificiel de l’élargissement du constat à l’ensemble de l’économie , la méthode la plus précise retombe sur une évolution assez proche de celle constatée sur le champ des SNF.
(d) Pour les mêmes raisons, les comparaisons internationales présentent aussi une certaine fragilité . Selon les données disponibles, il semble cependant que la stabilité relative qu’on observe dans le cas de la France ne se retrouve pas dans d’autres pays développés ou la part des salaires a tendance à régresser – notamment en Allemagne.
(e) Ceci ne signifie pas que les salaires français ont connu une dynamique satisfaisante. La croissance des salaires nets depuis 20 ans est extrêmement faible.
La première explication est la faiblesse de la croissance globale : une part constante de la VA reste en effet insuffisante à générer de fortes hausses de salaire lorsque la croissance est lente.
(f) Une seconde explication est la hausse de la part des salaires qui va au financement de la protection sociale. La France a fait le choix d’une protection sociale de haut niveau
et dont la part dans le PIB a crû régulièrement sur la période analysée. Cette protection sociale contribue positivement aux conditions de vie de l’ensemble de la population, mais elle conduit à un écart substantiel entre dynamique du salaire superbrut et du salaire net.(g) Une troisième explication est la montée de l’emploi précaire. Les salaires pondérés par les durées moyennes passées en emploi au cours de l’année – ce que l’on appelle le revenu salarial – sont encore moins dynamiques que le salaire moyen perçu par une personne travaillant sans interruption tout au long de l’année.
(h) Par ailleurs, même pour des salariés travaillant à temps complet tout au long de l’année, la croissance des salaires n’a pas été uniforme tout au long de l’échelle des revenus. Elle a été légèrement plus rapide au bas de l’échelle en raison des politiques de revalorisation du SMIC. Elle a été relativement étale entre les 10 % les moins bien payés et les 10 ou même 5% les mieux payés, et elle a été sensiblement plus rapide sur les 10 dernières années pour les salariés situés tout en haut de la distribution : les 1% ou les 1 pour mille les mieux payés. Ceci a pu contribuer au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle.
(i) S’agissant des profits, leur utilisation a aussi connu des évolutions marquées. Le pic de déformation du partage de la VA au début des années 1980 s’était accompagné d’une forte montée de l’endettement des entreprises qui s’est résorbé depuis. La charge d’intérêts s’est ainsi réduite, essentiellement au profit des versements de dividendes. C’est en termes de flux bruts que les dividendes ont connu l’évolution la plus spectaculaire, mais celle-ci reste encore très importante pour les flux nets, dont la part dans la VA a pratiquement doublé depuis une dizaine d’années. Sur la période récente, cette progression des dividendes a été associée à une baisse de l’autofinancement des investissements.
(j) Quelle que soit la variable étudiée, il faut insister sur la très grande diversité des situations des entreprises. Le présent rapport s’efforce d’éclairer cette diversité, en remontant aux données d’entreprise. Ne bénéficiant pas du même travail de consolidation et d’harmonisation que la comptabilité nationale, ces analyses microéconomiques doivent être considérées avec prudence, mais elles illustrent bien les difficultés qui peuvent être rencontrées si l’on ne raisonne qu’en termes agrégés.
Mise en parallèle avec une analyse de Michel HUSSON (ATTAC)
http://hussonet.free.fr/cotish7.pdf
Michel Husson analyse le ratio dividendes des actionnaires sur revenus du travail pour en tirer la conclusion que les revenus des actionnaires ont augmentés par rapport aux revenus du travail. Cette présentation trompeuse, qui laisse penser que cet accroissement des dividendes se fait au détriment de la part du travail, reprise à la lumière de la décomposition présentée en tête de l’article et de l’analyse des données de la comptabilité nationale, montre seulement que les dividendes ont été pris sur les investissements :
Le montant des dividendes versés aux actionnaires a quasiment quintuplé depuis 1993, tandis que l'autofinancement des investissements par les entreprises a baissé.
Les conclusions de la mission indiquent aussi que les profits vont
- pour 36 % aux revenus du capital,
- pour 57 % à l'investissement
- et 7 % à la participation et l'intéressement, c’est à dire l’épargne salariale non soumise à charges,
des proportions qui varient cependant selon la taille des entreprises.
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