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lundi, 05 septembre 2016

Catherine Audard : John Rawls et les alternatives libérales à la laïcité

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John Rawls et les alternatives libérales à la laïcité

par Catherine Audard

Catherine Audard enseigne la philosophie morale et politique à la London School of Economics (Department of Philosophy). Elle est l'auteur de John Rawls (Londres, Acumen Press, 2006, trad. française à paraître chez Grasset en 2010), Qu'est-ce que le libéralisme ? Ethique, Politique, Société (Paris, Gallimard, à paraître en octobre 2009). Ont également été publiés, sous sa direction, des ouvrages collectifs : John Rawls. Politique et métaphysique, (PUF, Paris, 2004), Anthologie historique et critique de l'utilitarisme, (PUF, Paris, 1999), Le respect (Paris, Autrement, 1993), Individu et justice sociale (Paris, Seuil, 1988).

Cet article est une version abrégée du chapitre IX de mon livre : Qu'est-ce que le libéralisme ? Éthique, Politique et Société, Paris, Gallimard, octobre 2009, à paraître.

Raccourcis

Voir aussi

Raisons politiques

2009/2 (n° 34)

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Dans l'un de ses derniers textes, « The Idea of Public Reason Revisited [1][1] John Rawls, « The Idea of Public Reason Revisited »... », John Rawls aborde la question des rapports entre religion et démocratie d'une manière susceptible de fournir des alternatives à l'idéologie française de la laïcité. « Comment est-il possible, se demande-t-il, que des citoyens religieux (citizens of faith) soient des membres sincères et à part entière d'une société démocratique, qu'ils souscrivent activement aux idéaux et aux valeurs politiques de cette société et ne se contentent pas simplement d'accepter l'équilibre des forces politiques et sociales en présence ? (...) Comment est-il possible de souscrire à un régime constitutionnel, que l'on soit ou non croyant, quand nos doctrines compréhensives risquent en conséquence de ne pas prospérer et même de décliner [2][2] J. Rawls, The Law of Peoples, op. cit., p. 149. ? »

Un des intérêts majeurs de ce texte est de montrer, conformément à la méthode suivie dans Théorie de la justice [3][3] J. Rawls, Théorie de la justice, trad. de l'angl. par..., qu'il est plus satisfaisant de tenter de transformer un conflit insoluble entre des valeurs ­ religieuses et politiques ­ en une question de justification : quels sont les arguments en faveur de ces valeurs qui sont recevables dans le débat politique ? L'institution et la pratique de l'État laïc ne sont donc pas remis en question par Rawls qui rappelle, après Tocqueville, qu'elles sont un des grands succès de la démocratie américaine, ayant permis à la fois à la démocratie et aux religions de prospérer [4][4] « À mon arrivée aux États-Unis, ce fut l'aspect religieux.... Ce sont les modes de justification publique de l'État laïc qui doivent être transformés pour parvenir à un consensus pleinement démocratique, même avec des minorités religieuses hostiles. En d'autres termes et de manière paradoxale, l'État laïc doit être défendu sur une autre base que celle du sécularisme et de la laïcité.

Nous allons donc examiner la solution que Rawls apporte à ce problème. Mais, auparavant, il nous faut accomplir un détour et rappeler les positions classiques du libéralisme sur la tolérance à l'égard des religions intolérantes afin d'apprécier pleinement les transformations accomplies par la position de Rawls et pourquoi la laïcité n'est pas une solution acceptable dans sa version du libéralisme.

Un conflit insoluble

Le problème posé par les minorités religieuses dans le contexte contemporain est-il si différent de celui des Guerres de religion du 17e siècle qui ont conduit à la naissance du libéralisme classique avec le Second Traité sur le Gouvernement civilde Locke (1690) et sa Lettre sur la Tolérance (1689) ?

L'Islam au centre du débat

Un argument souvent entendu consiste à soutenir que le problème est nouveau car il viendrait de ce que le multiculturalisme contemporain a mis en concurrence des religions ou des croyances qui ne sont pas compatibles avec le libéralisme car elles ne partagent plus avec lui un héritage culturel commun et facile à identifier comme tel. Si les États démocratiques modernes avaient conservé une identité religieuse commune, celle de la tradition chrétienne, ils n'auraient pas les problèmes d'intégration qu'ils ont actuellement. En particulier, l'Islam et ses traditions variées du Maghreb au Moyen-Orient, de l'Asie du Sud-Est à l'Afrique subsaharienne, est une source de divisions et de conflits parce qu'il demande une soumission de l'individu à la communauté qui est par essence incompatible avec le libéralisme. Seul un Islam modéré et « libéral » pourrait s'intégrer et nous en sommes loin. Au-delà de l'importance numérique croissante de populations ayant une pratique religieuse et réfractaires de ce fait au sécularisme contemporain, c'est surtout le caractère non européen, non chrétien, musulman en majorité, des croyances et des pratiques qui semble créer des difficultés majeures pour l'intégration. L'identité nationale serait menacée et ces menaces ont été malheureusement exploitées politiquement. Il est devenu impossible de protéger de manière sereine l'égalité des droits et des libertés de citoyens que non seulement leur condition socio-économique, leur culture, mais également leur foi et leur pratique religieuse séparent et même opposent au reste de la population. La question de l'égalitéentre citoyens religieux et non religieux est devenue insoluble au nom même de la défense de la liberté individuelle, en particulier celle d'échapper à l'emprise des religions. Certaines religions, plus compatibles avec la démocratie, seraient plus égales que d'autres... Le respect du pluralisme religieux est certes un élément central d'une société de liberté tout comme la tolérance à l'égard des minorités, mais il trouve sa limite dans le refus de voir une religion dicter ses valeurs à toute une société et surtout empêcher l'autonomie religieuse des individus. Dans ce cas l'appartenance religieuse et aussi bien les coutumes que l'idéologie qui l'accompagnent semblent entraîner à la fois des menaces politiques contre les institutions démocratiques et un refus ou une impossibilité de l'intégration en raison de l'absence d'autonomie et de la soumission totale exigée, semble-t-il, des membres des communautés religieuses. Confrontées à des phénomènes culturels inconnus, partagées entre le souci de préserver l'identité nationale et celui de respecter l'égalité des citoyens malgré leurs appartenances différentes, les démocraties contemporaines, en particulier en Europe continentale, semblent incapables de sortir de cadres intellectuels universalistes et des schémas historiques qui tous prédisaient les progrès de la sécularisation. Elles apparaissent désarmées face à ce retour du religieux.

Cet échec a eu plusieurs conséquences, toutes plus problématiques les unes que les autres. Il a pu mener à l'autoritarisme, à imposer la soumission des minorités religieuses à la loi par l'action illibérale de l'État, comme en France où la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école a pu être critiquée comme une atteinte à la liberté religieuse. Il peut aussi mener au relativisme, à une tolérance mêlée d'indifférence à l'égard des communautés religieuses et à l'acceptation de leur existence séparée. C'est la voie qui a été suivie au Royaume-Uni, jusqu'aux attentats terroristes de juillet 2005, au nom du libéralisme perçu comme la seule attitude compatible avec le respect de la liberté individuelle, y compris celle de se soumettre à des autorités religieuses ou à des impératifs apparemment d'un autre âge et qui choquent la sensibilité contemporaine, comme le port du foulard islamique. Seul un modus vivendi entre communautés se tolérant sans partager de valeurs communes serait compatible avec le libéralisme qui refuse ainsi de s'engager et de défendre ses propres valeurs. Mais ce faisant, on laisse sans défense, sans autorité, les principes mêmes de l'État de droit et on rend impossible l'établissement d'un consensus politique stable.

Y a-t-il une voie médiane entre l'usage coercitif de la puissance étatique et le pragmatisme d'un modus vivendi que l'action de quelques terroristes suffit à faire voler en éclats [5][5] Le débat sur la citoyenneté a fait rage au Royaume-Uni... ? Le problème, en réalité, ne vient peut-être pas seulement des différences culturelles véhiculées par l'Islam, mais également de la manière d'envisager l'intégration des minorités religieuses dans un État laïc. Plus que l'impossibilité supposée de l'Islam à s'intégrer, c'est probablement l'incapacité du libéralisme à comprendre le phénomène religieux qui fait problème pour Rawls.

Les nécessaires remises en question du libéralisme

Le défi politique auquel les démocraties libérales et pluralistes doivent faire face, dans le contexte multiculturel et pluriethnique actuel, est, selon Rawls, de devoir transformer leur attitude vis-à-vis des citoyens religieux. Au lieu de défendre l'État laïc sur la base d'arguments philosophiques tels que ceux du sécularisme ou de la laïcité et de proposer comme seule voie vers l'intégration la « libéralisation » des religions et l'émancipation des citoyens en tant qu'individus vis-à-vis de croyances et coutumes religieuses qui sont parfois en conflit avec les principes démocratiques, la solution de Rawls demande d'abord que le libéralisme se remette lui-même en question. Trois changements fondamentaux lui semblent nécessaires.

Tout d'abord, le libéralisme doit renoncer à fonder le consensus politique sur des valeurs philosophiques, morales ou religieuses communes, d'où son concept delibéralisme politique qui suppose qu'il limite ses exigences au domaine politique au lieu de s'appliquer, comme une doctrine « compréhensive », à tous les aspects de l'existence [6][6] « Dans Théorie de la justice, une doctrine morale de.... La conséquence en est que l'appel à la vérité, religieuse ou philosophique, est exclu du débat politique et que les seuls arguments recevables sont des « raisons publiques », des raisons indépendantes des doctrines religieuses et qui sont compréhensibles en des termes seulement politiques. La laïcité ­ et son soubassement épistémique positiviste ­ est donc inadaptée à ce rôle. Rawls emploie le terme de « raison publique » pour résumer l'ensemble des modes de justification et de raisonnement recevables [7][7] « La raison publique est caractéristique d'un peuple... et il insiste sur le fait que les arguments de type laïc n'ont pas de validité intrinsèque, car « les doctrines philosophiques laïques ne fournissent pas de raisons publiques » (PRR, p. 148).

Ensuite, il faut que le libéralisme prenne au sérieux le pluralisme doctrinal caractéristique des démocraties au lieu de poser que le sécularisme est la seule conception capable de défendre l'État laïc. Il faut qu'il accepte de défendre ses principes sur la base d'un dialogue limité au politique certes, mais qui suppose de comprendre et de reconnaître l'autre. La tolérance-indifférence est insuffisante et insultante pour les minorités religieuses. Il est important que le libéralisme contemporain abandonne le monisme arrogant de la philosophie des Lumières qui espérait démontrer la vérité universelle de ses principes. En reliant le caractère irréductible de la liberté individuelle à la finitude humaine, à l'impossibilité d'une vérité une en dernier ressort sans pour autant tomber dans le relativisme, il peut fournir la vraie source de la tolérance religieuse. En effet, s'il accepte que le consensus politique autour des principes de l'État de droit et de la défense des droits fondamentaux ne peut être imposé, il va être amené à dialoguer avec les religions au lieu de les exclure de l'espace public, à repenser ainsi la séparation de l'Église et de l'État sans la réfuter [8][8] Il faudrait rapprocher des positions défendues par....

Enfin, le libéralisme doit accepter de comprendre le phénomène religieux, celui de l'Islam plus spécifiquement, au lieu de se cantonner dans l'indifférence et l'ignorance qui résultent souvent de la sécularisation de la société. Il y a une dégradation visible du libéralisme en permissivité qui le rend incapable d'engendrer une véritable tolérance en tant que reconnaissance de l'autre et débat ou dialogue avec lui. Comprendre les religions, les contraintes qu'elles imposent aux individus, même si elles sont en conflit avec ses propres valeurs, est une démarche essentielle que le libéralisme doit accomplir et dont il doit tirer des ressources intellectuelles nouvelles, comme Rawls nous en donne l'exemple dans son analyse de la compatibilité entre Islam et libéralisme [9][9] Voir PRR, p. 151, note 46, où Rawls analyse les travaux.... « La connaissance mutuelle que les citoyens ont de leurs diverses doctrines religieuses reconnaît que les bases de l'allégeance à la démocratie se trouvent dans ces doctrines. Ainsi l'adhésion à l'idéal démocratique se fait pour de bonnes raisons. » (PRR, p. 153). Dans ce processus, c'est évidemment l'Islam et son caractère « non européen » et « inassimilable » qui est l'obstacle premier. Or nous avons affaire là à deux mythes. L'Islam n'est pas une religion étrangère à l'Europe, il a, au contraire, été une de ses composantes pendant tout l'âge d'or de la culture omeyade en Espagne et il demeure un élément quantitativement important des sociétés européennes. L'Islam est plutôt le « refoulé » d'une Europe qui à un moment pas si lointain l'incluait. L'Islam, d'autre part, n'est pas en principe inassimilable puisqu'il est fondé sur un socle commun aux trois grandes religions du Livre. Encore faut-il qu'existe une volonté politique de le comprendre dans sa spécificité et son histoire, de comprendre le fait religieux au lieu de le récuser. C'est là un des moyens de le faire évoluer.

En effet, si le libéralisme doit évoluer et justifier ses principes de manière convaincante, les religions doivent elles aussi changer au contact de sociétés démocratiques et devenir plus « libérales » à leur tour en participant pleinement au consensus politique et en modifiant non pas leur contenu doctrinal, mais le type d'arguments qu'elles acceptent d'utiliser pour défendre leurs points de vue. Aussi bien le libéralisme que les doctrines religieuses doivent se remettre en question et se soumettre aux demandes de la « raison publique », du dialogue politique public. Pour Rawls, c'est ce processus de justification et de délibération publiques qui est la clé du succès de cette double remise en question.

La critique de la laïcité et de la neutralité de l'État

Pourquoi la laïcité ne peut-elle pas servir de modèle au libéralisme pour résoudre les problèmes posés par le retour du religieux ?

Laïcité et raison publique

Rappelons tout d'abord que le concept de laïcité est propre à l'histoire politique française et n'a pas d'équivalent ailleurs [10][10] Jacques Zylberberg, « Laïcité, connais pas : Allemagne,.... Le libéralisme parle plutôt de sécularisme pour désigner un idéal politique instrumental dans la protection de la liberté des citoyens et de l'égalité de leurs convictions religieuses ainsi que de la paix civile, celui de la séparation de l'Église et de l'État qui est la meilleure réponse aux conflits religieux. Tout le problème est de justifier l'État laïc dans le nouveau contexte multiculturel et multiconfessionnel. La transformation que le libéralisme doit subir ne remet pas en question l'État laïc, mais sa justification, moniste ou pluraliste. Or, dit Rawls, « le sécularisme raisonne en termes de doctrines compréhensives non religieuses. De telles doctrines sont trop larges pour servir les buts de la raison publique. Les valeurs politiques ne sont pas des doctrines morales (...) qui sont de même nature que la religion ou la philosophie première [11][11] PRR, p. 143.. » (PRR, p. 143). En particulier, la laïcité a été inspirée par la philosophie des Lumières et le positivisme du 19e siècle et reste en conséquence trop dépendante de doctrines philosophiques compréhensives pour jouer son rôle. « Ce serait une grave erreur, dit-il, de penser que la séparation de l'Église et de l'État a eu pour but premier la protection de la culture laïque ; bien entendu, elle protège cette culture, mais pas plus qu'elle ne protège toutes les religions. » (PRR, p. 166).

Historiquement, le libéralisme a défendu depuis sa naissance au 17e siècle une version relativement pragmatique du sécularisme qui demande à l'État de s'abstraire des conflits religieux, d'adopter une certaine neutralité et de faire appel à des valeurs sur lesquelles la majorité de la population peut se mettre d'accord. Cette version n'a jamais demandé que la religion soit entièrement privatisée, qu'elle n'ait plus de rôle dans l'espace public ou d'influence morale sur les débats des législateurs, mais plutôt que ce rôle soit régulé et filtré de manière à ne pas porter atteinte aux convictions des minorités, croyantes ou non, et à respecter ainsi l'égalité entre les conceptions du bien des individus. Fidèle à la logique des contre-pouvoirs, il s'est agi plutôt de neutraliser le poids des religions que de les exclure du débat politique. Par exemple, au Royaume-Uni, l'État prétend être capable d'une certaine neutralité ou équité (fairness) dans son traitement des religions alors même qu'il existe une « religion établie » qui n'est cependant pas une religion d'État. Aux États-Unis, « le Premier Amendement à la Constitution, nous rappelle Rawls, protège les diverses religions de l'État et aucune n'a pu dominer les autres en s'emparant du pouvoir de l'État. » (PRR, p. 166). Le projet d'État laïc s'est donc inscrit dans la lutte contre la « tyrannie des majorités » et contre un État qui se transformerait en porte-parole des majorités au lieu de rester dans son rôle limité, lutte qui a été centrale dans le libéralisme. L'État laïc est fondamental pour la défense de l'égale liberté des citoyens, même de ceux qui appartiennent à des minorités religieuses. Mais, malgré son pragmatisme, le libéralisme n'a pas pu éviter la question de la justification du sécularisme qui s'est avérée aussi importante que sa pratique.

Or cette justification s'est faite, comme pour la laïcité à la française, sur la base du monisme philosophique. Elle a été modelée par l'influence du christianisme, protestantisme aux États-Unis ou Église catholique en France. Elle est l'image en miroir de l'universalisme chrétien (catholique). Sans aller aussi loin que la laïcité à la française, le sécularisme libéral prétend lui aussi à la neutralité de l'État laïc, mais sans chercher à éradiquer la religion de la sphère publique. L'État laïc se veut neutre à l'égard des diverses religions et, par la vertu de la séparation de l'Église et de l'État, le garant de la non-intervention des religions dans la sphère publique et la législation, et le rempart contre les tentatives hégémoniques des Églises. Mais, en établissant une sphère publique ouverte à tous, en défendant la tolérance religieuse et l'égalité des diverses religions, le libéralisme classique a cherché certes à établir la paix civile, mais aussi à diluer le pouvoir des religions, à accélérer le progrès vers la modernité, ruinant ainsi au moins en partie sa prétention à la neutralité. Il nous faut donc revenir avec Rawls sur la prétendue neutralité axiologique de l'État laïc vis-à-vis des diverses religions.

Historiquement, écrit-il, un des thèmes de la pensée libérale a été que l'État ne doit favoriser aucune doctrine compréhensive pas plus que les conceptions du bien qui y sont associées. Mais c'est aussi une des critiques faites au libéralisme que de l'accuser de ne pas rester neutre et, en réalité, de favoriser une forme ou une autre d'individualisme (LP, p. : 235-239).

La neutralité axiologique de l'État laïc

La neutralité est un concept politique problématique car si elle signifie s'abstenir d'intervenir, elle est incompatible avec l'action politique. La neutralité comme abstention favorise, en réalité, le camp le plus fort, comme l'exemple de la neutralité en temps de guerre l'illustre bien. Il n'y a donc pas de neutralité absolue en politique, ce serait absurde.

Mais une première forme de neutralité politique, nous dit Rawls (LP, p. 235-239), peut être procédurale, limitée aux procédures suivies. La législation et la résolution des conflits entre groupes religieux ou entre les groupes religieux et l'État ou entre les individus s'engageraient à suivre une procédure qui ne ferait pas appel à des valeurs morales, mais seulement à des valeurs politiques telles que la neutralité, l'impartialité, la cohérence dans l'application de la loi ou l'égalité de traitement des parties en conflit. C'est exactement le sens de la « raison publique » pour Rawls. Ainsi, le fait que la loi de 2004 sur le hidjabs'adresse aux trois grandes religions et les traite à égalité, incluant même une religion minoritaire en France comme le sikhisme vis-à-vis duquel il n'y avait jamais eu auparavant de problème d'intégration, prouverait la neutralité de l'État en cette matière. Mais l'impartialité apparente de la procédure ne dissimule pas que c'est l'Islam qui est visé puisque, en réalité, le port de signes religieux n'y a pas la même valeur que pour d'autres religions. La neutralité de la procédure est certes nécessaire, mais elle n'est pas un gage suffisant du traitement égal des citoyens.

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Une autre manière d'aborder la neutralité de l'État, dit Rawls, est de la considérer par rapport aux buts des politiques publiques et aux valeurs qu'ils incarnent. Les buts ne sont pas neutres, en particulier la tentative de justification par l'État laïc de la nécessité de libérer la sphère publique de l'influence des religions. La neutralité des buts ici n'a aucun sens puisqu'une démocratie est engagée dans la défense de l'égalité des droits et des chances, de la liberté égale pour tous, religieux ou pas, et d'une conception « substantielle » de la justice qui la fait entrer en conflit avec toutes sortes de convictions religieuses ou philosophiques [12][12] Sur les confusions dans l'usage du terme de « justice.... Mais des moyens neutres pourraient l'être s'ils assurent des chances égales à tous de réaliser leurs fins morales et religieuses, si l'État ne favorise pas activement une idéologie plutôt qu'une autre et si des dispositions sont prises pour annuler ou compenser ces influences. C'est là une exigence légitime des minorités religieuses à l'égard de l'État laïc qui ont besoin d'être protégés les unes des autres.

Enfin, la neutralité concerne les effets des politiques publiques qui devraient pouvoir s'équilibrer et ne favoriser aucun groupe religieux en particulier. Là, il est clairement impossible de parler de neutralité car quand ces politiques visent la coopération et la paix civile qui sont, certes, des valeurs « neutres » au sens d'indépendantes d'une religion spécifique, elles auront des effets considérables sur les chances de succès de certaines religions par rapport à d'autres. Par exemple, si l'appartenance à une religion permet de réussir l'intégration plus aisément, comme disons le protestantisme libéral, elle aura plus de chances de prospérer que si elle est en conflit avec la culture publique environnante. De même, dit Rawls, « si un régime constitutionnel prend certaines mesures afin de renforcer les vertus de tolérance et de confiance mutuelle en s'opposant par exemple aux diverses formes de discrimination religieuse et raciale (dont peuvent se rendre coupables certains groupes religieux), il ne devient pas pour autant un État perfectionniste au sens de Platon ou d'Aristote (c'est-à-dire qui promeut une version particulière du Bien pour tous) et il n'établit pas non plus une religion particulière comme religion d'État » (LP, p. 239). Cependant, il favorise indirectement les religions qui sont déjà sous l'influence de ces valeurs. Il n'est pas neutre en ce qui concerne les effets de politiques démocratiques et ne peut avoir les mêmes conséquences pour toutes les religions. Comme le souligne Rawls, le vrai problème est celui de minorités religieuses qui voient leurs doctrines menacées et peut-être vouées à disparaître par des principes démocratiques, comme celui de la liberté religieuse, de l'égalité hommes-femmes ou de la liberté du choix du conjoint. La promesse de neutralité ne peut entièrement justifier l'institution de l'État laïc.

Le pluralisme libéral et la critique de la raison

Pour défendre son point de vue sur la laïcité et sa critique de la neutralité, Rawls va se réclamer, en réalité, d'un autre libéralisme, d'un courant très important historiquement depuis Locke et Montesquieu et qui a refait surface dans le libéralisme contemporain, pour qui la justification du sécularisme et de l'État laïc doit se faire de manière pluraliste, en respectant la diversité des arguments et en établissant le dialogue qui définissent la culture publique d'une démocratie [13][13] Reza Aslan, No god but God, Londres, Random House,.... C'est le respect du pluralisme, le refus d'imposer une doctrine commune, qui est la source de la légitimité de l'État démocratique vis-à-vis de ses citoyens et de leurs croyances religieuses ou autres, pas une neutralité axiologique peu plausible. Au lieu d'exclure les religions du débat public au nom de la neutralité, l'égalité réelle des citoyens serait mieux respectée malgré leurs différentes appartenances religieuses, si se développait une éthique de la discussion appliquée à « la conversation intelligente entre religieux et laïcs [14][14] Charles Taylor, « Modes of Secularism », in Rajeev... » et à la diversité de leurs opinions. Qu'une telle conversation conduise progressivement à la sécularisation de la société est une possibilité, mais cela ne veut pas dire que la laïcité soit la seule condition de la résolution des conflits ni que ceux-ci ne soient pas exacerbés dans une société de moins en moins religieuse. De même que reconnaître de la pluralité des valeurs ne conduit pas au relativisme, de même définir l'identité nationale comme multiculturelle et multiethnique ne la détruit pas, mais l'arrache aux prétentions liberticides de l'homogénéité raciale, ethnique, culturelle et religieuse.

Le pluralisme démocratique prend donc au sérieux la diversité irréductible des croyances religieuses et rejette aussi bien la voie chrétienne du « terrain commun » que celle, anti-religieuse, de la laïcité militante [15][15] Voir Jean Baubérot, La laïcité : quel héritage ? De.... Pragmatique, il accepte la possibilité d'une expression publique de la liberté religieuse, d'une reconnaissance de l'apport des religions au modèle normatif commun si cela permet une meilleure intégration et une plus grande égalité de traitement des citoyens, religieux ou pas. Plus lucide surtout, il reconnaît l'impossibilité de la neutralité et de la réconciliation ultime entre les valeurs, les visions du monde défendues par les diverses religions. Le pluralisme devient alors un idéal démocratique à part entière et non plus une menace d'implosion.

Ce pluralisme n'est pas perçu comme un désastre, dit Rawls, mais plutôt comme le résultat naturel de l'activité de la raison humaine quand elle se déroule dans un contexte durable d'institutions libres. » (LP, p. 13).

Le rôle de la raison publique : la solution de Rawls

Nous pouvons à présent indiquer les grands traits de la conception que Rawls se fait des rapports entre démocratie libérale et religions.

Raison publique et religions

Une première conséquence très importante du libéralisme pluraliste de Rawls est que sa critique de la raison monologique le conduit à transformer la relation de la raison à la religion. Elle conduit à reconnaître tout d'abord que l'humanité s'incarne dans une diversité irréductible de cultures, de styles de vie et de valeurs et que la raison humaine doit être conçue en conséquence comme raison « communicationnelle » et « dialogique », selon la formule de Habermas, et non plus comme raison universelle et « monologique ». Si consensus politique il y a, il ne peut être que polyphonique et multiculturel, certainement pas monologique. Vues du point de la raison publique, les religions sont des doctrines « raisonnables » si elles sont capables de présenter des arguments recevables dans le domaine politique et si elles renoncent à faire appel à la « vérité ». Reliée à la critique de la raison monologique et à la reconnaissance du pluralisme des valeurs, l'appartenance religieuse a du sens et ne fait plus peur de la même façon. Ce n'est plus l'impensable, même si elle reste difficile à comprendre. Le point remarquable est l'affirmation par Rawls que les religions dans leur ensemble doivent être considérées comme des doctrines « raisonnables », comme pouvant comprendre l'idéal de la raison publique. L'idéal de la raison publique nous vient de Kant, rappelle Rawls (LP, p. 260, note 1). « L'usage public de notre raison, écrit Kant, doit toujours être libre » afin que nous puissions progressivement créer une communauté intellectuelle de « savants », de libres citoyens du royaume des fins, en exerçant « la liberté de la plume ». Cet idéal n'est pas seulement bon pour notre société, pour nous-mêmes, mais il l'est également pour faire progresser la raison humaine. « C'est même sur cette liberté que repose l'existence de la raison ; celle-ci n'a pas d'autorité dictatoriale, mais sa décision n'est toujours que l'accord de libres citoyens dont chacun doit pouvoir exprimer sans obstacle ses réserves et même son veto [16][16] Emmanuel Kant, Critique de la Raison pure, [A738/B766],.... » « À cette liberté appartient donc aussi celle d'exposer publiquement au jugement les réflexions et les doutes que l'on ne peut résoudre soi-même sans être décrié pour cela comme un citoyen turbulent et dangereux [17][17] Ibid., [A752/B780], p. 1326.. »

Les religions qui font partie de la raison publique sont donc « raisonnables » parce qu'elles sont « raisonnantes » : elles sont capables d'apporter des arguments dans la discussion publique et de participer positivement aux débats les plus importants pour le bien public. Il s'agit d'un changement décisif d'attitude dans le traitement des religions dans l'espace public par rapport au sécularisme et c'est pourquoi ce dernier est incapable de fournir les bases du consensus politique. Rawls part d'une distinction entre le raisonnable et le vrai que l'on retrouve différemment chez Habermas. Les religions sont constituées de croyances, de dogmes, de prescriptions, de rites, qui tous prétendent à la vérité. Mais elles sont également l' uvre de la raison argumentative, pas au sens évidemment d'une faculté universelle de saisir le vrai, mais simplement de l'effort pour produire des raisons valides dans le débat public, des arguments acceptables pour défendre des positions pourtant incompatibles et incommensurables les unes avec les autres. Grâce à cette conception minimaliste et discursive de la raison humaine comme réciprocité (PRR, p. 132), Rawls réintègre les religions dans le dialogue public. Il se limite certes à celles qui acceptent de fournir leurs raisons dans des termes compréhensibles par les autres sur la base de ce qu'il appelle leur devoir de civilité (PRR, p. 135), qui demande d'utiliser des raisons autres que des raisons religieuses par respect pour les autres. Par exemple, dans la lutte contre le droit à l'avortement, il est exclu de faire appel à des arguments tirés des commandements religieux. Ceci exclut les fanatismes et les extrémismes mais inclut les communautés traditionalistes (Rawls cite souvent les Quakers et leur pacifisme). Les raisons publiques sont donc le résultat de l'effort de communication et de justification qui demeure possible entre les religions, quand elles sont raisonnables. Raisonnable pour Rawls veut simplement dire être prêt à utiliser des raisons publiques, à respecter le devoir de civilité, et à reconnaître le pluralisme religieux.

Son argumentation repose sur une seconde distinction. Il faut certes distinguer entre le vrai et le raisonnable puisque la « vérité » de ses croyances religieuses n'est pas remise en question pour le croyant dans le débat public, seul leur caractère raisonnable est important pour la constitution d'un consensus politique. Mais il faut également comprendre que les valeurs, religieuses ou morales ne se confondent pas avec les raisons et les arguments qui les soutiennent. Là encore, Rawls rappelle que le débat ne porte pas sur les valeurs, car ce serait un débat infini qui ne peut que dépasser le politique, mais sur les arguments en jeu. En effet, ce qui est universellement communicable et peut fonder un consensus politique, ce ne sont pas les valeurs religieuses elles-mêmes, la conception de la justice, de l'ordre, qu'elles soutiennent, mais le type de raisons, d'arguments qu'elles utilisent.

Le domaine où cette raison publique intervient est essentiellement pour Rawls celui de l'adhésion à la conception publique de la justice qui fonde le consensus politique. Pour arbitrer les questions morales les plus difficiles, comme les manipulations génétiques, le droit à l'avortement, au suicide assisté, aux mariages gays, etc., ainsi que les interprétations de la Constitution que ces questions impliquent et qui ne sont plus du ressort du Parlement, elle demande que seules des raisons publiques soient utilisées par les divers groupes et représentants des citoyens. Ces questions ne peuvent être réglées, pour le libéralisme politique, par l'appel à une doctrine morale ou religieuse particulière, mais seulement à la conception commune de l'État de droit et de la justice incarnée par la Constitution. Tout le problème est de l'interpréter correctement et c'est là qu'intervient la raison publique. Les arguments inspirés par les croyances religieuses doivent se traduire dans des raisonnements que tous peuvent comprendre et reconnaître comme valides, même si tous ne sont pas d'accord avec leurs conclusions. Les religions sont donc pour Rawls, des doctrines raisonnables si elles acceptent de fournir des raisons qui dépassent leurs doctrines particulières et manifestent ainsi leur conscience d'appartenir à une communauté politique plus large.

L'essentiel de la tolérance active du libéralisme politique au sens de Rawls se trouve là, dans cette protection de la diversité des familles de pensée et cette reconnaissance de leur capacité à discuter, à délibérer et à échanger des arguments. C'est à travers ce forum que les citoyens, religieux ou pas, exercent leur propre raison, qu'ils reconnaissent les raisons des autres, même s'ils ne les partagent pas, qu'ils font ainsi l'apprentissage de la citoyenneté et qu'ils perdent peu à peu ce sentiment d'impuissance et de paralysie caractéristique des sociétés individualistes. Le consensus politique doit être conçu comme le résultat des débats d'une assemblée délibérative permanente, comme un processus d'intégration constant, certainement pas comme un résultat définitif (PRR, p. 138). C'est de cette façon que Rawls respecte l'esprit du pluralisme libéral qui ne conçoit la vérité que comme une  uvre collective et en remaniement constant. De même le consensus politique est une  uvre commune où tous, communautés et individus, s'engagent et se constituent ainsi comme citoyens d'une mêmepoliteia.

Rawls défend une conception relativement « étroite » de la raison publique, c'est-à-dire que la gamme des raisons valides pour le débat public est assez limitée et que les arguments religieux sont exclus des grands débats politiques, avec le risque qui a été noté par les critiques de Rawls que les citoyens religieux se sentent dépossédés de leur identité religieuse au moment d'aborder les questions les plus cruciales pour eux, éducation, famille, procréation, bioéthique, etc. C'est pourquoi il a ajouté dans la nouvelle version de la raison publique de 1999 le proviso suivant (PRR, p. 144). Les religions peuvent utiliser dans le débat politique, par exemple sur le droit à l'avortement ou le rejet des mariages homosexuels, des arguments tirés de leurs doctrines religieuses si, à terme, elles s'engagent à présenter des arguments proprement politiques et compréhensibles par tous même si tous ne les acceptent pas, des raisons publiques donc. Le bénéfice de cette introduction limitée de raisons religieuses ou philosophiques est de faire prendre conscience aux autres citoyens de ce que pensent les citoyens religieux et ainsi de créer les conditions d'un vrai dialogue pluraliste libéral. C'est le pluralisme, pas la privatisation des religions qui, pour Rawls, est le signe d'une véritable démocratie, d'un véritable respect de l'égalité des citoyens. Étant donné que la vérité de leurs croyances n'est pas menacée, que c'est seulement le caractère raisonnable et publiquement communicable de leurs arguments qui est en jeu, les citoyens religieux devraient se sentir traités à égalité avec ceux qui sont incroyants et qui doivent également se tenir au devoir de civilité.

Une conscience laïque ne suffit pas pour la coopération et l'amitié civique. Il faut aussi apprendre à considérer les conflits religieux comme des « désaccords raisonnables ». Cela suppose une évaluation critique des limites de la raison elle-même, donc un rejet du scientisme et du naturalisme comme du rationalisme dogmatique qui sont des doctrines compréhensives au même titre que les religions. Cela suppose aussi une reconnaissance du logos propre aux religions et de la place de la religion dans la modernité. Rawls ne fait pas confiance à la laïcité pour conduire les religions vers la modernité, mais bien plutôt à un pluralisme démocratique qui ouvre l'espace politique public plus largement aux religions tout en imposant le devoir de civilité qui transforme nécessairement les doctrines religieuses et les sort de la sphère privée. La stabilité est acquise quand l'usage public de la raison est devenu majoritaire dans l'espace public, non pas quand règne la neutralité. La laïcité pour Rawls est donc bien un des résultats du processus démocratique, pas sa condition.

Fondement « moral » du consensus politique

La seconde conséquence remarquable du pluralisme libéral de Rawls le conduit à revivifier l'idéal de citoyenneté et d'amitié civique. La citoyenneté est une responsabilité très lourde. Il ne faut pas oublier qu'elle n'est pas que passive, mais également active, même lorsqu'on choisit de ne pas participer. Elle a pour effet, nous rappelle Rawls, la participation commune au pouvoir de contraindre tous les autres membres du corps politique pris collectivement (PRR, p. 137). Le principe de réciprocité exige que chacun pense à la manière dont l'autre acceptera ou non la législation en question et qu'il donne la priorité à des termes équitables de coopération. Il faut donc qu'au lieu de poursuivre l'hégémonie de leurs croyances et de leurs principes dans la sphère publique, en particulier dans la législation, les citoyens religieux se considèrent comme partie d'un tout plus large que leur communauté religieuse et envisagent les conséquences de leurs choix pour ceux qui ne partagent pas leurs convictions. C'est la seule façon pour parvenir à un consensus politique qui ne soit ni le résultat de l'action illibérale de l'État ni un simple modus vivendi entre religions et entre citoyens religieux et non religieux, un consensus « pour de bonnes raisons » dit Rawls (PRR, p. 150).

Mais, pour arriver à une telle prise de conscience, il faut gagner « les coeurs et les esprits » et ne pas se contenter de la résignation des minorités religieuses au rapport de forces en présence. Rawls s'avance ici sur un terrain dangereux et paraît s'éloigner du libéralisme. Il semble rejeter les conceptions contemporaines de la démocratie comme compétition entre groupes d'intérêts pour poser que les démocraties ont besoin pour durer, dans le contexte actuel, d'un consensus politique qu'on pourrait presque qualifier de « républicain » : le consensus ne peut être stable que si les citoyens reconnaissent la valeur des principes politiques auxquels il leur faut se soumettre. Seul, semble dire Rawls, un consensus « moral » sur des valeurs politiques peut gagner l'adhésion des citoyens religieux. Mais cela n'est-il pas en totale contradiction avec le principe de la laïcité et de la neutralité de l'État ? Le problème insoluble auquel se heurte Rawls alors est qu'un consensus de ce type est exclu par le libéralisme car il ne peut résulter que de l'intervention du pouvoir coercitif de l'État illibéral. Dans Libéralisme politique n'a-t-il pas écrit que « Si nous nous représentons la société politique comme une communauté unie dans l'adhésion à une seule et même doctrine, alors l'utilisation tyrannique du pouvoir de l'État est nécessaire... Appelons cela “le fait de l'oppression ? » (LP, p. 64).

Comment résoudre ce dilemme ? En concevant la justification elle-même de la démocratie de manière démocratique, respectueuse de la liberté et de l'égalité des citoyens concernés, religieux ou pas, de leur rationalité comme de leur personnalité morale. L'intégration ne peut être imposée mais justifiée. C'est la méthode de justification qui va déployer ses vertus intégratives et jouer le rôle de premier plan dans la construction d'une citoyenneté démocratique et pluraliste.

Le consensus politique démocratique est en général envisagé comme un accord sur des valeurs morales communes de type judéo-chrétien qui seraient à l'origine des valeurs propres à la démocratie. Ce fut le cas, par exemple, dans le débat sur le Préambule au projet de Constitution européenne et l'inclusion de la référence aux valeurs chrétiennes des peuples européens. Un tel consensus politique est d'autant plus solide que les peuples concernés ont une histoire commune et partagent un héritage religieux commun. Mais il a le double inconvénient de creuser les différences et de laisser le champ libre à une seule doctrine pour réguler la sphère publique. Pour Rawls, cela reviendrait à laisser le pouvoir oppresseur de l'État s'exercer sur les minorités en contradiction avec le libéralisme politique. Si un consensus sur des valeurs communes se met en place, c'est comme résultat possible d'un processus psychologique et politique, et non pas comme un pre-requisit. De plus, un tel consensus n'a pas de contenu moral par lui-même, l'accord n'ajoute rien aux valeurs déjà communes. En ce sens, il n'a pas de puissance intégrative et il n'a pas d'impact sur les minorités religieuses puisqu'il ne reconnaît ni leur rôle ni leur égale dignité.

Inversement, le consensus politique visé par l'État laïc peut être un simple modus vivendi sans autre contenu moral que la nécessité d'accommoder les différences et de survivre ensemble. C'est un simple compromis politique entre les forces en présence qui a, bien sûr, beaucoup d'avantages. Il ne devrait pas nous surprendre que ce soit la solution préférée des groupes religieux extrémistes qui ainsi n'ont pas à s'engager moralement vis-à-vis de l'État laïc et à faire allégeance à ses principes. En effet, pour les communautés intégristes, un simple compromis est plus satisfaisant qu'un accord ou un consensus qui demanderaient de reconnaître les valeurs de l'autre ou du moins de trouver un terrain commun, ce qui serait un abandon de la pureté de la foi. La conclusion paradoxale à laquelle nous arrivons avec Rawls, c'est que combattre les extrémismes et les fondamentalismes passe par l'imposition d'un dialogue sur les valeurs au-delà du pragmatisme et de la neutralité.

Tout le problème devient alors celui du sens de cette base morale de la justification publique. Quatre points sont importants pour clarifier le contenu d'un consensus démocratique qui ne soit ni autoritaire ni purement pragmatique.

Tout d'abord, si la justification n'est pas le résultat de l'application d'une doctrine morale spécifique et qu'elle ne questionne pas la vérité des croyances religieuses, comme le sécularisme qui cherche en réalité à remplacer ou à éradiquer la religion de l'espace public, elle n'est pas contradictoire avec la neutralité de l'État laïc. Aucune doctrine spécifique ne peut fournir cette base d'entente sans contredire le principe de liberté égale pour tous. Il est clair qu'une telle position heurte de front les conceptions habituelles de la laïcité. C'est pourtant la conséquence logique des analyses du pluralisme démocratique que nous avons présentées.

Ensuite, pour Rawls, le consensus politique doit être « moral » au sens précis où il est obtenu par un processus qui reflète ce qu'il appelle les facultés morales des citoyens  : la capacité à avoir une conception du bien et un sens de la justice. Il n'est pas moral au sens où il serait fondé sur une doctrine spécifique, sur des valeurs partagées comme pour les communautariens, mais où il est l' uvre de citoyens qui se traitent eux-mêmes comme des personnes morales, ce qui est extrêmement important pour obtenir l'allégeance de populations profondément croyantes. Un des aspects les plus choquants du sécularisme et de la laïcité pour des croyants, l'équivalence entre neutralité ou laïcité et disparition des préoccupations morales, est ainsi surmonté. La justification publique traite les citoyens quelle que soit leur appartenance religieuse comme des personnes morales et leur reconnaît ainsi pratiquement une égale dignité en tant qu'interlocuteurs au lieu d'imposer une doctrine commune sans dialogue et reconnaissance ou inclusion. « Étant conçue comme une réconciliation par la raison, la justification procède de ce que tous les partenaires dans la discussion ont en commun » (TJ, p. 621). Or ce qu'ils ont en commun, ce sont des arguments et des raisons, et non des valeurs, étant donné le pluralisme religieux.

En conséquence, la seule justification possible de la neutralité de l'État, pour Rawls, doit être procédurale et non pas substantielle. Elle se déroule à travers une discussion difficile et souvent douloureuse, mais constitutive de ce qu'est une démocratie pluraliste et « délibérative » (PRR, p. 138). C'est la seule solution qui tienne compte du pluralisme des valeurs sans tomber dans le relativisme, d'une manière que les religions puissent comprendre et qui respecte l'égalité des citoyens, religieux ou pas. Si les convictions qui sous-tendent les revendications religieuses minoritaires ne sont pas universellement valides, il faut à tout le moins qu'elles soient communicables ou formulables en des termes tels que l'on puisse les justifier, les reconnaître comme valides même sans les partager. « La justification vient de ce que de multiples points de vue s'y trouvent mutuellement renforcés [18][18] Voir également la section 87 : « la justification repose.... » (TJ, p. 48).

Le but poursuivi est, dit-il, un consensus par recoupement (overlapping consensus) (LP, IV). C'est parce que les arguments se recoupent que les valeurs politiques de tolérance, de respect des minorités, de liberté religieuse, d'égalité des droits religieux, peuvent être justifiées même vis-à-vis de citoyens dont le seul mode de raisonnement est religieux. Engagés dans le débat public, ils peuvent comprendre et accepter la priorité des décisions politiques sur leurs propres valeurs religieuses, comme dans l'exemple du droit à l'avortement, sur la base d'un recoupement entre les valeurs politiques avancées et leurs valeurs personnelles, ce qui est complètement différent d'un accord sur des valeurs communes. L'important, c'est qu'il existe un recoupement même partiel. L'exemple en est, pour Rawls, le consensus sur la Constitution qui peut se créer à partir de points de départ idéologiques variés. (TJ, p. 513 et LP, p. 198-205) La condition de l'intégration des minorités religieuses, c'est qu'elles puissent traduire les termes du consensus politique dans leur propre culture, que le contenu en soit clairement normatif et non pas vide de substance. Il n'existe pas de valeurs universelles, il n'existe que des valeurs traduisibles au moins partiellement d'une culture à une autre. Tel est l'élément le plus problématique, mais aussi le plus novateur de cette conception libérale du consensus politique entre différentes religions et communautés et l'État laïc. La séparation de l'Église et de l'État est exemplifiée dans la séparation entre valeurs politiques et valeurs religieuses à l'intérieur même de la conscience individuelle.

Le résultat est un consensus qui est davantage qu'un simple modus vivendi, mais moins qu'un accord sur les valeurs partagées, et qui échappe ainsi aux accusations aussi bien de relativisme que de dogmatisme.

Quelles sont les doctrines qui peuvent ainsi se rejoindre indirectement pourrait-on dire ? Rawls cite comme exemples de doctrines qui peuvent en faire partie les libéralismes de Kant et Mill, l'éthique de la communication de Habermas, l'utilitarisme, le républicanisme, mais pas l'humanisme civique, le christianisme (sauf les sectes fondamentalistes), et l'Islam. En définitive, toutes les religions qui acceptent de raisonner ensemble pourraient en faire partie. Mais un tel consensus est suspendu à des conditions très exigeantes. Il suppose une éducation civique qui développe le sens de la justice et la capacité à mettre en « équilibre réfléchi » (TJ, p. 71-75) différents principes et convictions, des raisons publiques et non publiques, et qui insiste sur la connaissance des droits individuels et de leurs arguments. Il suppose surtout des capacités cognitives dont on ne peut être certain qu'elles soient développées comme il le faudrait dans toutes les couches de la société. Il demande enfin un développement de l'esprit d'analyse et de critique qui peut entrer en conflit avec certaines traditions religieuses [19][19] C'est certainement le cas de l'Islam dont on sait combien.... Enfin, il peut conduire à l'extinction de certaines doctrines, raisonnables certes, au sens où elles sont fondées sur des raisons publiques, mais qui ne peuvent pas se développer dans le cadre d'un tel consensus, comme par exemple le créationnisme.

Conclusion

Telles sont les grandes lignes d'un accommodement possible du pluralisme culturel et religieux dans un consensus politique démocratique lui-même pluraliste. Il exige, si nous suivons Rawls, de traiter les religions comme des doctrines « raisonnables », de traiter le sécularisme comme une doctrine philosophique parmi d'autres et non pas comme le fondement idéologique de l'État laïc, de déplacer le débat de l'institution vers sa justification, de poser le caractère intégrateur de la délibération et de la justification publiques et d'inclure des raisons religieuses dans le débat public, d'exiger des citoyens qu'ils connaissent les doctrines religieuses les uns des autres et les raisonnements différents qui mènent de ces doctrines aux principes politiques, et de soutenir enfin que le consensus politique démocratique est en définitive « moral », mais en un sens très précis, procédural et non pas substantiel. Le principe de base de cette démonstration est que l'État n'est pas neutre, mais activement engagé dans un processus de justification publique grâce auquel les valeurs politiques peuvent l'emporter sur les valeurs communautaires et les limites de l'État de droit apparaissent ainsi clairement justifiées face aux demandes des communautés religieuses. Un tel consensus n'est ni un accord sur des valeurs communes dont les minorités culturelles ou religieuses seraient exclues ni un simple modus vivendi dépourvu de toute dynamique intégrative.

Mais les objections demeurent nombreuses.

La plus puissante est certainement la fragilité d'un tel consensus qui suppose la participation intense des citoyens de tous bords au débat public, avec le risque que ce débat se transforme en choc des intérêts particuliers des diverses communautés, comme c'est déjà le cas dans la démocratie majoritaire contemporaine des single-issue groups, des lobbies qui ignorent le bien commun et ne cherchent que la satisfaction de leurs revendications sectorielles. Ce sont les préférences les plus intenses, exprimées avec le plus de force, qui l'emportent alors, empêchant aussi bien la priorité du bien commun d'être reconnue, c'est-à-dire la priorité des valeurs politiques sur les convictions ou intérêts sectoriels, que le pluralisme des valeurs d'être respecté. La peur des divisions et des conflits que le pluralisme met à jour est en particulier un obstacle majeur à son expression publique. N'oublions pas l'avertissement de Maurice Barrès et sa puissance émotionnelle qui nourrit le retour de tous les nationalismes et xénophobies : « Notre mal profond écrivait-il, c'est d'être divisés, troublés par mille volontés particulières, par mille imaginations individuelles [20][20] Cité par Gérard Noiriel, À quoi sert l'identité nationale,.... » Une conception différenciée de l'égalité et de la citoyenneté divise encore davantage la société si par exemple, certains peuvent faire appel à une justice religieuse et pas seulement civile, ou si les écoles confessionnelles sont autorisées à maintenir des quotas. Elle risque de créer des ghettos et des communautés ayant leur propre loi, échappant à l'autorité de l'État.

À cela s'ajoute la nécessité de capacités cognitives développées pour pouvoir articuler des principes religieux à des arguments politiques dans l'espace public. La raison publique est donc, tout d'abord, celle des hommes politiques ou des juges constitutionnels, certainement pas celle des citoyens ordinaires. Rawls a beau distinguer entre l'idée de raison publique et l'idéal de la raison publique, quand les citoyens deviendront des « quasi-législateurs » au sens de l'autonomie chez Kant (PRR, p. 135, note 16), la distance reste insurmontable.

À toutes ces objections, il existe une réponse du libéralisme, mais qui exige de revenir à ses sources, implicites dans l'argumentation de Rawls. En effet, l'agent de ce consensus politique pluraliste en dernier ressort n'est plus seulement l'État laïc souverain, autorité administrative et exécutive, censée traduire dans les faits la volonté souveraine de la nation et de ses représentants. C'est le « règne de la loi », the rule of law que l'on traduit par « l'État de droit », qui exige que l'État lui-même se soumette à ses principes. Aussi bien les agents de l'État que les minorités religieuses elles-mêmes doivent respecter le cadre de la loi, c'est-à-dire pas seulement de la législation, mais des principes constitutionnels qui en garantissent la légitimité. Entre les groupes sociaux et religieux en conflit, il existe une instance médiatrice sans laquelle les analyses de Rawls n'ont pas de sens : le cadre constitutionnel qui a une autorité supérieure à celle du législateur et des majorités politiques qui l'ont porté au pouvoir. C'est l'existence de ce cadre de l'État de droit qui permet d'échapper aux apories des démocraties parlementaires et de poser la priorité des valeurs politiques sur les valeurs religieuses ou autres de n'importe quel groupe, majoritaire ou minoritaire. Les valeurs dont se réclame le législateur échappent à l'arbitraire puisqu'elles sont conformes aux droits constitutionnels fondamentaux et évitent ainsi toute hésitation quant à l'application du pluralisme religieux et à ses limites. De plus, elles sont publiquement proclamées et connues de tous. Ainsi le devoir de respecter l'intégrité physique des personnes rend illégales les mutilations sexuelles basées sur des traditions religieuses. Ainsi l'égalité des droits des personnes rend illégaux les mariages forcés, les divorces par répudiation, la polygamie, etc. Ainsi la liberté de conscience garantit le droit de l'individu à quitter sa communauté d'origine. Si droits culturels et collectifs il y a dans une période transitoire comme le droit pour certaines communautés de conserver leur langue ou d'avoir recours à la justice ecclésiastique de leur culture, c'est dans le cadre absolument strict de l'État de droit. Les critiques à l'égard du pluralisme religieux au nom de l'identité nationale montrent à quel point la confiance dans les institutions, dans l'État de droit, dans la Constitution est érodée dans les démocraties majoritaires où nulle médiation ne vient modérer le choc des préférences individuelles et collectives. Le « plébiscite quotidien » qui, en 1882, définissait pour Renan la nation doit être un plébiscite des principes constitutionnels, non un plébiscite des valeurs historiques d'une communauté particulière et transitoire [21][21] Pour une déconstruction de la formule de Renan, voir.... Plutôt que le pluralisme, ce sont les déficiences de l'État de droit qu'il faut donc incriminer dans la fragilité du consensus politique face aux communautés religieuses.


Notes

[1] John Rawls, « The Idea of Public Reason Revisited » (PRR), University of Chicago Law Review, vol. 64, été 1997, également dans Collected Papers, Harvard University Press, 1999, p. 573-615 et dans The Law of Peoples with « The Idea of Public Reason Revisited », Cambridge, Harvard University Press, 1999, p. 131-180 (Paix et démocratie. Le droit des peoples et la raison publique, trad. de l'angl. par Bertrand Guillarme, Paris, La Découverte, 2006). La première formulation des idées de Rawls sur la raison publique se trouve dans Libéralisme politique, Leçon VI, (LP), trad. de l'angl. par Catherine Audard, Paris, PUF, 1997 (Political Liberalism, New York, Columbia University Press, 1993 et 1996, pour la version en édition de poche qui comporte une nouvelle introduction) ainsi que la « Réponse à Habermas », traduite dans John Rawls et Jürgen Habermas, Débat sur la justice politique, trad. de l'angl. par Catherine Audard, Paris, Le Cerf, 1997.

[2] J. Rawls, The Law of Peoples, op. cit., p. 149.

[3] J. Rawls, Théorie de la justice, trad. de l'angl. par Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987 (A Theory of Justice, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 1971 et, pour la version révisée, A Theory of Justice. Revised edition, Oxford/New York, Oxford University Press, 1999). Toutes les citations sont tirées de la traduction française de l'édition révisée.

[4] « À mon arrivée aux États-Unis, ce fut l'aspect religieux du pays qui frappa d'abord mes regards... J'avais vu parmi nous l'esprit de religion et l'esprit de liberté marcher presque toujours en sens contraire. Ici, je les retrouvais intimement unis l'un à l'autre : ils régnaient ensemble sur le même sol... Tous attribuaient principalement à la complète séparation de l'Église et de l'État l'empire paisible que la religion exerce en leur pays. Je ne crains pas d'affirmer que, pendant mon séjour en Amérique, je n'ai pas rencontré un seul homme, prêtre ou laïque, qui ne soit tombé d'accord sur ce point. » (Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Garnier-Flammarion, Livre I, II, chap. 9,1981, p. 401-402), cité par J. Rawls, The Law of Peoples, op.cit., p. 167, note 76.

[5] Le débat sur la citoyenneté a fait rage au Royaume-Uni depuis les attentats de 2005 à Londres qui avaient été l' uvre de jeunes Musulmans britanniques, en apparence bien intégrés. Depuis, le gouvernement travailliste a introduit des cérémonies de citoyenneté avec un fort contenu normatif pour les nouveaux arrivants et a déployé des efforts pour transformer les ghettos religieux surtout dans le nord du pays.

[6] « Dans Théorie de la justice, une doctrine morale de la justice ayant une portée générale n'est pas distinguée d'une conception strictement politique de la justice. Il n'y a pas trace de la distinction entre des doctrines compréhensives morales, religieuses et philosophiques, d'une part, et des conceptions limitées au domaine politique, d'autre part. Ici, au contraire, ces distinctions ainsi que les idées qui s'y rattachent sont fondamentales. » (LP, p. 3).

[7] « La raison publique est caractéristique d'un peuple démocratique. C'est la raison de ses citoyens, de ceux qui partagent le statut de la citoyenneté égale. L'objet de leur raison est le bien du public, c'est-à-dire ce que la conception politique de la justice exige de la structure de base des institutions de la société, des objectifs et des fins qu'elles doivent servir. La raison publique est alors publique en trois sens : a) c'est la raison des citoyens en tant que tels, la raison du public ; b) son objet est le bien du public et les questions de justice fondamentale ; c) sa nature et son contenu sont publics ; ils sont fournis par les idéaux et les principes exprimés par la conception de la justice politique de la société, et ils sont visibles sur cette base. » (LP, p. 213).

[8] Il faudrait rapprocher des positions défendues par Rawls celle de Habermas dans « Religion in the Public Sphere », European Journal of Philosophy, vol. 14, no 1, avril 2006, p. 1-25.

[9] Voir PRR, p. 151, note 46, où Rawls analyse les travaux de Abdullahi Ahmed An-Na'ïm,Toward an Islamic Reformation, Syracuse, Syracuse University Press, 1990. Sur Rawls et l'Islam, voir également The Law of Peoples, op. cit., p. 75-78.

[10] Jacques Zylberberg, « Laïcité, connais pas : Allemagne, Canada, États-Unis, Royaume-Uni », Pouvoirs, vol. 75, 1995, p. 37-52. Voir aussi Jean Baubérot, La laïcité, quel héritage ?, Genève, Labor et Fides, 1990, et Cécile Laborde, Critical Republicanism. The Hijab Controversy and Political Philosophy, Oxford, Oxford University Press, 2008.

[11] PRR, p. 143.

[12] Sur les confusions dans l'usage du terme de « justice procédurale », voir les éclaircissements de Rawls dans Débat avec Habermas sur la justice politique, Paris, Le Cerf, 1997, p. 121-127.

[13] Reza Aslan, No god but God, Londres, Random House, 2005, p. 262.

[14] Charles Taylor, « Modes of Secularism », in Rajeev Bhargava (dir.), Secularism and its Critics, Oxford, Oxford Universtiy Press, 1998.Voir aussi Jürgen Habermas, « Religion in the Public Sphere », art. cité.

[15] Voir Jean Baubérot, La laïcité : quel héritage ? De 1789 à nos jours, Genève, Labor Fides, 1990.

[16] Emmanuel Kant, Critique de la Raison pure, [A738/B766], Paris, Gallimard, « Pléiade », 1980, t. I, p. 1317.

[17] Ibid., [A752/B780], p. 1326.

[18] Voir également la section 87 : « la justification repose sur la conception dans son ensemble et sur son accord avec nos jugements bien pesés », p. 620.

[19] C'est certainement le cas de l'Islam dont on sait combien il entretient des rapports conflictuels avec la théologie rationnelle.

[20] Cité par Gérard Noiriel, À quoi sert l'identité nationale, Marseille, Agone, 2007, p. 36.

[21] Pour une déconstruction de la formule de Renan, voir ibid., p. 19-20.

Résumé
La distinction établie par Rawls entre doctrines « compréhensives » et conceptions politiques induit que, dans un état laïc, les valeurs religieuses ne peuvent jouer un rôle direct dans l'espace politique sans menacer l'égalité des différentes conceptions de la vie bonne auxquelles adhèrent les citoyens. Mais qu'en est-il des doctrines philosophiques ou morales comme celle de la laïcité ? La conséquence logique de la distinction établie par Rawls est que tous les citoyens, laïcs ou religieux, sont obligés en raison de leur devoir de civilité, de recourir à des raisons publiques dans le débat politique, un point problématique pour définir une conception libérale de la laïcité. Rawls répond de manière paradoxale, dans « La raison publique revisitée », à cette difficulté consiste à dire qu'on ne peut pas défendre l'Etat laïc sur la base de la doctrine de la laïcité. C'est cette alternative libérale à la laïcité, respectueuse de la pluralité et de l'égale dignité des doctrines compréhensives raisonnables, que cet article se propose de présenter.

Plan de l'article

  1. Un conflit insoluble ?

    1. L'Islam au centre du débat

    2. Les nécessaires remises en question du libéralisme

  2. La critique de la laïcité et de la neutralité de l'État

    1. Laïcité et raison publique

    2. La neutralité axiologique de l'État laïc

    3. Le pluralisme libéral et la critique de la raison

  3. Le rôle de la raison publique : la solution de Rawls

    1. Raison publique et religions

    2. Fondement « moral » du consensus politique

  4. Conclusion

Pour citer cet article

Audard Catherine, « John Rawls et les alternatives libérales à la laïcité », Raisons politiques 2/2009 (n° 34) , p. 101-125

URL : www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2009-2-page-101.htm.

DOI : 10.3917/rai.034.0101.

14:29 Publié dans Géopolitique, Gouvernance, Régulation | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |

mercredi, 21 mai 2014

Traité transatlantique

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HENRI WEBER DÉPUTÉ EUROPÉEN, DIRECTEUR DES ÉTUDES EUROPÉENNES AUPRÈS DU PREMIER SECRÉTAIRE DU PARTI SOCIALISTE, déclare dans Libé du 19 MAI 2014

Dans ces négociations, les Européens poursuivent trois objectifs :

  • réduire le déséquilibre commercial existant entre l’Union européenne et les Etats-Unis, concernant l’accès aux marchés publics.
    Ceux des Européens sont ouverts à 85% aux soumissionnaires étrangers. Ceux des Américains ne le sont qu’à 35%.
    Le juste échange, c’est la réciprocité et l’équilibre entre puissances de même niveau.
    Il faut donc rééquilibrer.
  • Second objectif : réduire progressivement les droits de douane, à l’exception des secteurs sensibles pour nos économies et atténuer les barrières non-tarifaires injustifiées (standards, certifications…) qui pénalisent l’entrée de nos biens et de nos services sur le marché américain.
    Faire aussi reconnaître par les Américains nos indications géographiques (AOP, AOC) qui font la richesse de nos terroirs et les protéger.
  • Le troisième objectif est géopolitique : il s’agit de préserver le pouvoir normatif qu’exercent pour l’essentiel les Européens et les Américains et que revendiquent de plus en plus efficacement les grands émergents, et, en premier lieu, la Chine.
    Qui définira les normes de la future voiture électrique, des produits agroalimentaires, de la galaxie Internet, des Télécommunications? Il vaut mieux que ce soient des Etats de droit et des démocraties, plutôt que des pouvoirs autoritaires ou despotiques, insensibles aux revendications des consommateurs, des salariés, des citoyens.
    Ce pouvoir normatif est de toute façon destiné à être partagé, on le voit bien à l’OMC. Mais précisément pour cela, il est bon que les Européens et les Américains unissent leurs forces.

http://www.liberation.fr/economie/2014/05/19/traite-trans...

Pas du tout rassurant, tout ça : Henri Weber, et les socialistes pro UE, étalent plus leurs bons sentiments, que des preuves de réalisme et de bon  sens.

Ils feraient mieux de répondre aux analyses de fond d’ATTAC ou d’EELV & Bové au lieu de s’en prendre aux exemples donnés pour marquer l’opinion publique et la rendre moins passive !

Quand je lis ‘'”réduire le déséquilibre commercial en UE (accès ouvert à 85%) et USA (accès ouvert à 35%)… il faut donc rééquilibrer”, je songe aussitôt qu’on nous refait le coup de la courbe qu’on va inverser ! Rien sur nos forces, rien sur nos faiblesses. Pas plus sur celles des USA ! Tout ce qui est dit ou rien, pour nous mettre en confiance, c’est pareil !

Sur le second objectif, ça fait autant peur ! Qu’est-ce que c’est que réduire des droits de douanes déjà très faibles ? C’est avant tout ôter des contrôles et favoriser les magouilles ou trafics !

Quant au troisième objectif, il me rend pantois ! On va vers de tels niveaux de désordres que la question de préserver le pouvoir normatif de l’EU et les USA, risque d’être illusoire. Voir le Théma d’ARTE de ce 20 mai, sur les composants électroniques issus du retraitement de nos déchets ! http://info.arte.tv/fr/thema


Pourquoi le libre-échange fait-il si peur ?

http://www.latribune.fr/actualites/economie/international...

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mercredi, 14 mai 2014

Les paradis fiscaux prouvent-ils que la mondialisation est infernale ?

La transparence se développe mais ne mettra pas pour autant le Front de Gauche en faillite, l’évasion fiscale reste légale : Deux mille milliards de profits cumulés aux Bermudes non taxées, ni Etats-Unis tant qu’ils ne sont pas rapatriés, ni en Europe, ni ailleurs

France culture 14.05.2014 - 14:00

Etat des lieux des paradis fiscaux. Quel rôle jouent-ils dans la mondialisation ? Les politiques publiques peuvent-elles, et veulent-elles, lutter contre ces états ? Quand à la société civile, peut elle réellement peser sur l'élaboration des politiques publiques ?

http://www.franceculture.fr/emission-planete-terre-les-pa...

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http://www.contrepoints.org/2011/12/09/59635-quatre-parad...

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dimanche, 23 juin 2013

Laurent PINSOLLE - Quand l’Allemagne n’a plus besoin de l’euro

dimanche 23 juin 2013 http://networkedblogs.com/MrLbW

Le groupe Xerfi vient de lancer des synthèses économiques qui rappellent un peu les travaux de Patrick Artus pour Natixis. La première étude, « L’UE, plateforme de production de l’économie allemande », décrit une Allemagne qui n’a désormais plus besoin de la monnaie unique.

Le grand basculement commercial

C’est une étude passionnante qui peut se résumer à quelques chiffres. En 2007, l’Allemagne ne réalisait que 35% de son excédent commercial hors de l’UE, 36% dans la zone euro et 29% dans le reste de l’UE. Sur les douze derniers mois, 74% de son excédent commercial est réalisé hors de l’UE, contre 5% dans la zone euro et 21% dans le reste de l’UE. Le solde intra-UE s’est réduit de 77 milliards d’euros, et a progressé de 70 milliards d’euros hors de la zone euro. Il faut noter que la zone euro ne représente plus que 37% des débouchés pour l’Allemagne (contre 47% pour la France).

Ce grand basculement n’est pas neutre pour la monnaie unique. En effet, quand l’Allemagne réalisait l’essentiel de son commerce et de ses excédents en Europe, Berlin pouvait avoir des réticences à quitter la monnaie unique et accepter la dévaluation consécutive des autres pays (même si elle l’avait supporté dans les années 1990). Mais aujourd’hui, 95% de l’excédent commercial allemand est réalisé en dehors de la zone euro, donc une fin de la monnaie unique, si elle aurait sans doute des répercussions commerciales sur l’Allemagne, n’aurait pas des conséquences insurmontables pour le pays.

Pourquoi l’excédent allemand en zone euro baisse ?

La baisse de 77 milliards d’euros de l’excédent allemand sur la zone euro en cinq ans semble paradoxale alors qu’on ne cesse de vanter le modèle commercial d’outre-Rhin. En fait, un tableau donné par Xerfi permet d’avoir un bon éclairage. Depuis 1999, la part de l’Allemagne dans les exportations au sein de l’UE est restée complètement stable, à 22%. En revanche, la part de la France, la Grande-Bretagne et l’Italie est passée de 33% à 24% de 1999 à 2008, et se stabilise à 23% en 2012. Il faut noter que la part des PECO (Est) est passée de 6 à 15% entre temps (12% en 2008).

Un autre tableau montre que l’Allemagne n’exporte pas plus dans l’UE depuis 2007 alors qu’elle importe 79 milliards de plus. Deux raisons expliquent ce phénomène. Il y a tout d’abord un décalage de croissance entre l’Allemagne, qui a rebondi après la crise, et le reste de la zone euro, en récession. Du coup, alors que le marché intérieur de la zone euro baisse, le marché intérieur allemand a un peu progressé, créant un décalage bénéficiant aux exportateurs des autres pays qui vendent en Allemagne, alors que les entreprises allemandes voient leurs débouchés européens baisser.

Vers la constitution d’une hégémonie industrielle ?

Mais le deuxième facteur, avancé par cette étude, c’est que l’Allemagne construit une position dominante d’un point de vue industrielle en Europe, utilisant les autres pays comme sous-traitants de son outil industriel pour en améliorer la compétitivité globale, et ne se souciant plus du marché européen puisque désormais, la croissance et les excédents sont réalisés ailleurs. L’intégration de l’Europe de l’Est a été mise en avant par Jacques Sapir, mais celle de l’ensemble du continent l’est davantage. Il faut noter qu’une sortie de l’euro permettrait de baisser le coût des pièces détachées venues d’Europe.

Cela accompagne une marginalisation des trois autres grandes puissances industrielles, France, Grande-Bretagne et Italie, dont la part de marché intra-UE s’est effondrée, respectivement de 13 à 9%, de 10 à 6% et de 9 à 7% en seulement 13 ans, quand celle de l’Allemagne est restée stable à 22%, et les pays d’Europe de l’Est (sous-traitants de l’Allemagne) de 6 à 15%. Pour Olivier Passet, « l’Allemagne est en passe de transformer l’espace européen en base arrière d’exportation hors des frontières de l’Europe » en s’appuyant sur la réduction des coûts salariaux unitaires au sein de la zone euro.

L’étude conclut en parlant de « l’impossible dialogue entre la France et l’Allemagne » et le caractère intenable du modèle allemand qui vassalise ses partenaires européens en détruisant leur intégrité productive. Elle rend aussi l’Allemagne indifférente à la fin de la monnaie unique.

Libellés : Allemagne, euro, Jacques Sapir, Olivier Passet, Xerfi

23 commentaires:
  1. Anonyme23 juin 2013 08:52

    Merci Laurent de mettre l'accent sur ce point essentiel pour l'avenir de la zone euro et de l'U.E. Le "grand dessein" s'accomplit jour après jour dans une logique implacable..
    Encore 3 ans et la situation industrielle sera tellement détériorée pour les "grands" pays de l'UE (hors Allemagne) qu'un éclatement subi de l'€uro provoquera des mouvements de capitaux tels que la seule issue qui leur sera proposée sera tout logiquement l'intégration au grand marché transatlantique... avec une Allemagne suzeraine du Vieux Continent et les autres "pays" européens définitivement en vassaux de l'Empire...
    Pimo29
    Le tournage de ce film écrit depuis longtemps se poursuit chaque jour, image par image, sans que les citoyens aient le réflexe de les repasser en accéléré pour prendre pleinement conscience du scenario...

  2. Anonyme23 juin 2013 09:43

    Citation de cette synthèse du xerfi :
    « A contrario, près de l’intégralité du solde commercial français(en l’occurrence du déficit) se forme au sein de la zone euro... avant, comme après crise ».
    Ce qui signifie que ce n’est pas la Chine ou autre pays hors UE qui est principalement responsable du déficit commercial français mais bien et essentiellement la seule participation de l’économie peu compétitive française à l’euro : une union monétaire sans fédéralisme et sans union de transferts où les États ont été mis en concurrence, fiscale, sociale, etc.
    L’euro a été très utile à l’Allemagne car ses excédents ont été les déficits des autres. Ce qui ne signifie pas que l’euro est devenu inutile pour l’Allemagne. Selon Patrick Artus : « l'Allemagne a prêté 3 000 milliards d'euros aux autres pays de la zone euro, d'où une énorme perte en capital si l'euro éclatait et si le "mark" se réévaluait » (je suppose qu'il s'agit surtout de prêts du secteur privé):
    http://www.lepoint.fr/invites-du-point/patrick-artus/pourquoi-l-allemagne-a-peur-de-la-france-04-06-2013-1676089_1448.php
    Mais il est clair que l’Allemagne qui fait maintenant la plus grande partie de son commerce extérieur hors zone euro ne peut pas se permettre de mettre en cause son modèle de compétitivité en augmentant brutalement les salaires pour devenir une pompe à consommation des productions des pays en crise de la zone euro qui auraient choisi de faire de la modération salariale. C’est pourquoi le système des dévaluations internes appliquées aux pays en crise de l’euro est actuellement la moins mauvaise solution pour l’Allemagne alors que pour les pays en crise c’est la pire des solutions car il est, c’est prouvé par les chiffres, très destructeur d’emplois et d’entreprises, même s’il parvient à réduire ou à faire disparaitre le déficit commercial en cassant la demande interne. Au vu de la destruction des capacités productives de ces pays en crise, dès que leur demande interne repartirait, elle repartirait en creusant leurs déficits commerciaux et de balance des paiements au profits d’excédents allemands et d'autres, s’ils restent dans l’euro.Ce n'est pas l'Allemagne mais les pays en crise qui ont intérêt à sortir de l'euro.
    Saul

  3. Rieux23 juin 2013 11:06

    Je crois que Saul oriente bien la réflexion. Il me semble qu'on ne peut pas se contenter d'observer la balance commerciale de l'Allemagne avec la zone euro pour voir l'intérêt qu'elle a à s'y trouver. L'appartenance à la zone euro permet à l'Allemagne de bénéficier d'une monnaie sous évaluée par rapport aux caractéristiques de son économie. Même si l'Allemagne dit l'euro sous évalué, le retour au mark produirait une réevaluation potentiellement néfaste à l'industrie allemande. La réévaluation par rapport à l'euro ne serait pas dramatique mais la réévaluation par rapport au franc, à la lire, à la pesete... serait très importante. Se cumulent la réévaluation du mark et la dévaluation des autres monnaies. Donc la balance commerciale allemande intra zone euro, c'est nada, mais si l'euro sautait aujourd'hui, ça pourrait être un joli petit déficit. Il vaut sûrement mieux que l'Allemagne s'assure d'avoir bien détruit les capacités productives de ses voisins avant de procéder à l'inéluctable.

  4. olaf23 juin 2013 11:07

    Ce qui n'est pas mentionné, c'est la différence colossale entre le nombre de robots en France et celui de l'Allemagne :
    Quand on compare le parc de robots installés en Allemagne, en Italie et en France, les industriels tricolores sont très nettement en retard. Alors qu'il y a 34.495 robots en France, il y a deux fois plus en Italie (62.378) et surtout quatre fois plus en Allemagne (148.195). Et l'écart tend à se creuser. Quand les industriels français installaient un peu plus de 3.000 nouveaux robots en 2011, outre-Rhin ils en ont acheté 19.500.
    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/20120604trib000701958/la-france-manque-cruellement-de-robots.html
    Ce genre de détail, plus d'autres comme le nombre de brevets déposés montre une stratégie globale de positionnement dans la chaine de valeur.

  5. TeoNeo23 juin 2013 11:16

    L'UMP et PS (je ne parlerais pas de l’épouvantable MODEM) ne semblent absolument pas conscients de ce desastre, ou pire s'en accomodent car ils squattent le pouvoir et les bons postes bien remunérés. Et je ne vois pas trop comment se debarrasser de ce reseau oligarchique dans le calme.
    L'Empire americain va s'organiser en deux pôles USA et l'Allemagne qui a récupéré son pouvoir politique. (souvenez vous qu'auparavant on parlait de l'Allemagne comme un "nain politique") et les autres seront priés de suivre les directives.
    C'est pas la premiere fois que nos elites donnent les clés de la France aux etrangers. Je ne dis pas ca parce qu'ils sont etrangers mais qu'ils n'ont pas les mêmes interêts que nous donc ne doivent pas nous gouverner.

    1. Anonyme23 juin 2013 13:35

      Curieux hasard donc que ce projet d'accord USA-UE, non ?
      Avec un Barroso, prêt à tout pour obtenir un poste à l'ONU grâce à Obama, et un président français ordinaire, pleutre et mollasson, qui est disposé à tout accepter et même pire, l'avenir est radieux pour nous.

  6. olaf23 juin 2013 11:28

    Je crois aussi que les dirigeants d'entreprises françaises ont une grande part de responsabilité dans la débâcle dont la liste non exhaustive serait : mode de management, faible culture de l'innovation, faible investissement dans l'outil productif au profit des dividendes, parachutage de PDG issus de l'ENA par le gouvernement et ne connaissant rien au domaine concerné, pas de cogestion avec les syndicats, dévalorisation des métiers techniques au profit des HEC ou autres écoles, peu de considération des diplômes universitaires au profit des grandes écoles, faible filière de l'apprentissage, pas de rémunération complémentaire des inventeurs salariés du privé, faible progression de carrière au sein des entreprises...
    On peu aussi rajouter un système judiciaire français en sous effectifs qui déstabilise la sécurité juridique des acteurs économiques.
    Ca va être du boulot de changer tout ça, car même une dévaluation monétaire ne suffira pas à elle seule si tout le reste des handicaps est oublié.

    1. Anonyme23 juin 2013 11:46

      Bonjour,
      Je suis bien d'accord avec vos remarques. Lorsque le Medef parle a la tv ou radio c'est toujours pour parler finance, reclamer moins de taxes, plus de flexibilite, mais jamais strategie industrielle/innovation...
      Malheureusement, cela va avec le discours ambient fascine par la finance et des "elites" qui font la navette entre Bercy/haute fonction publique/PDG de tout et n'importe quoi par copinage..
      D'ailleurs, je trouve exasperant d'entendre sans arret ces patrons defendre leurs enormes salaires (pour le CAC40) au nom de leur pseudo "responsabilites ecrasantes", mais par contre ils ne sont jamais responsables de rien lorsque des boites vont mal...
      Je ne dis pas que si l'industrie va mal c'est seulement la faute des patrons/managers, mais il me semble qu'ils devraient au moins assumer une part de responsabilite, sinon autant mettre une femme de menage au smic a leur poste...

    2. Abdel23 juin 2013 12:17

      Olaf,
      Jamais un patron allemand du grande entreprise aurait sorti une idiotie comme celle-ci :
      "L' entreprise sans usine" de Serge Tchuruk
      http://www.marianne.net/Symbole-de-la-faillite-neoliberale-la-descente-aux-enfers-d-Alcatel_a194361.html
      Sans oublier la vente de Saft par Alcatel à un fond d' investissements britannique.
      C' est vrai qu 'aujourd' hui les batteries est un secteur inutile ( telephonie, vehicule hybride et electrique ) ;-)
      Oui, Olaf, la France peut retrouver le Franc , mais cela ne fera pas d' elle une nouvelle puissance industrielle.
      Ici, en Allemagne, où je vis ,mon nom est sur mes brevets.
      En France lorsque j' inventais quelque chose, étaient apposés dans les brevets les noms de la direction.
      Sinon , il faut être vraiment costauds psychologiquement en France lorsqu' on voit les parachutages dû au copinage .
      J' ai connu des entreprises où fallait être de Centrale pour faire carrière, de Sup Elec pour celle-ci , de Polytechnique pour celle-ci :
      On pouvait être bon, intelligent, ambitieux si on n' avait pas fait une de ces écoles dans sa jeunesse , on était foutu.
      PS: pour info, faites Sup Aero si vous entrez chez Airbus

    3. TeoNeo23 juin 2013 13:02

      La dévaluation et le protectionnisme ne suffiront pas à eux seuls certes mais sont un préalable aux bonnes politiques de redressement productif.
      Changer les mentalités des patrons français sera probablement long. Dans les années 60 deja, ils réclamaient de la main d’œuvre immigrée plutôt que d'investir dans la mécanisation.
      Si les industriels ne disposent plus du levier de la délocalisation pour baisser leurs couts grace au protectionnisme ils seront forcés de mecaniser leur production. Les usines citroen de la premiere guerre mondiale étaient remarquablement mecanisées parce que les patrons n'avaient pas le choix, il n'y avait plus d'hommes et beaucoup de commandes.
      Refermer un peu l’économie sur une zone qui dispose des mêmes salaires et législations va la remettre dans le bon sens, celui de l'innovation et de la mécanisation plutôt que de délocalisation et le blocage des salaires.
      Une fois cela fait on sera en position de force pour voir ce qu'on peut faire pour recompenser les inventeurs et pour supprimer l'E.N.A et autres grandes écoles non techniques qui produisent ce monolithisme intellectuel.

    4. olaf23 juin 2013 13:31

      Abdel
      Je vois que nous avons un angle d'analyse similaire, puisque nous avons l'expérience française et allemande dans l'industrie et la recherche.
      "En France lorsque j' inventais quelque chose, étaient apposés dans les brevets les noms de la direction."
      Pareil pour moi, j'ai dû en passer par la justice et moult frais d'avocats pour faire valoir mes droits d'inventeur en France et les procédures sont encore cours après plusieurs années. C'est absolument scandaleux et personne n'en parle en France, aucun parti politique non plus sauf un peu Bayrou, et après ils nous répètent en boucle le mantra de l'innovation sans jamais proposer l'équivalent allemand de :
      http://de.wikipedia.org/wiki/Arbeitnehmererfindung
      La France est dirigée par des autruches Tartuffe.
      Combien d'inventeurs chercheurs du privé dans la commission présidée par Lauvergeon ? Quasiment aucun... Ce sont toujours les mêmes petits cercles d'opérette qui se réunissent pour traiter de questions auxquelles ils ne connaissent rien.
      La France a encore des scientifiques et ingénieurs du privé aptes, mais l'oligarchie s'en moque, donc les premiers n'ont plus qu'à s'expatrier pour avoir une reconnaissance et un avenir.
      Il est clair que des entreprises sans usine, voire sans labo, est une crétinerie.
      C'est dans les labos et en allant sur les chaines de production proches que j'ai souvent trouvé des idées d'amélioration juteuses, en allant observer sur place, regarder ce qui se passe pendant la fabrication pour trouver les problèmes et les solutions, travail de détective qui n'a jamais été récompensé en France, mais l'est en Allemagne. Les ingénieurs sont pris pour des ploucs en France, la voilà la situation, quelques soient leurs apports.

  7. gilco5623 juin 2013 13:13

    Le doigt sur la vérité. Bien sur la force de l'Allemagne se constate dans pression sur l'europe : elle détient la clef, et nous pauvres français, nous devons nous "coucher"
    Dans le fond, que ferions nous si nous étions l'Allemagne ?
    Si nous avions des gouvernances patriotes ????
    Tout le problème est là ?

  8. Anonyme23 juin 2013 13:34

    C'est donc bien l'Allemagne qui sifflera la "fin de la récré euro" une fois qu'elle aura bien liquidé toute notre industrie grâce au PS et à l'UMP, toute l'oligarchie néolibérale. Le pire est le maintien du statu quo politique mais pas celui de l'arrivée au pouvoir du FN version MLP. Dupont-Aignan préférera le statu-quo!

    olaf23 juin 2013 14:32

  9. L'idée de Tchuruk est à l'inverse de l'entreprise allemande où je suis.
    Celle ci, au lieu d'externaliser, internalise des technologies existantes, se les approprie selon ses marchés, un travail d'orfèvre, pas de bucheron.
    A savoir qu'elle achète les machines à des sous traitants, puis adapte en interne ces machines à sa production créant ainsi une nouvelle forme d'expertise sur un marché plus ciblé à partir de technos externes plus génériques nécessitant des adaptations. Cela montre que les dirigeants allemands sont plus stratégiques car ayant une connaissance technique de ce qu'ils dirigent. Les dirigeants français tapent dans le vide car ils ne pensent qu'en termes de généralités, à la hache, et selon le proverbe : Der Teufel steckt im Detail.

  10. Gaston23 juin 2013 14:49

    L’Allemagne gagne, car elle est dans une ascendance constructive depuis la fin de la guerre et, elle a su prévoir le combat économique moderne. L’Allemagne est stratège.
    Elle a opté depuis l’époque des chevaliers teutoniques pour le pragmatisme, la qualité, la constance, le rationnel, l’émulation interne et la fibre nationale. Ils se sont donné le champ du possible pour être des vainqueurs.
    Ils ne copient pas les autres mais innovent et s’adaptent intelligemment.
    Ils méritent leur rôle de leader. Ils ont su construire des forces, des moteurs d’enrichissement créant ainsi, à l’intérieur de leurs territoires, une émulation régionale, indépendante et responsable, constituée par la diversité de ses lands. C’est le cœur de leur force.
    L’école allemande, est avant tout, l’école du réalisme. Ils ont su anticiper les paramètres économiques prévisibles plus de vingt ans avant les autres. Ils ont compris que pour lutter, face à cette vague chinoise et autres pays émergents, il fallait se rendre efficace par la qualité du produit, une marque référente, une méthode et des normes de techniques spécifiques, le tout dans une application courageuse et intelligente.
    La France vît de ses acquis, elle est bloquée par ce système jacobin et administratif qui exige sans devoir. Cette fragilité est notoire, nous sommes considérés comme des gens pas sérieux, imprévisibles, violents, inconstants, magouilleurs bref une mauvaise image. Ce qui fait dire à pas mal d’étrangers que le pays France ne mérite pas de ses occupants.
    Un Japonais investisseur dans le Centre de notre cher pays m’avait signalé la lourdeur de l’administration et la multitude de papiers pour s’installer au point qu’il envisageait de s’installer ailleurs.
    On a fait de la France un pays d’assistés, ces derniers sont dans une exigence insupportable, que nos élites de Gauche, du Centre et de la Droite ont créée et maintenue. On a oublié qu’à trop aider on se fait mordre un jour ... Déjà des maires compétents arrêtent leur mandat, en raison d’une responsabilité unique et des revendications incessantes des concitoyens. Rien ne va mais personne ne fait l’effort pour que cela aille mieux. On a rendu la France malade par un totalitarisme politique qu’on appelle aussi la Pensée unique.
    Notre centralisation nationale a fait croire aux gens que l’Etat, cette entité anonyme selon certains français, était responsable de tout. Il suffisait de demander. Ces braves gens oublient que l’Etat, c’est nous et c’est l’impôt qu’un tiers de français paient seulement. Tout le monde devrait d’ailleurs payer l’impôt, même si cela concerne une somme de 50 euros. C’est une responsabilité citoyenne, sinon nous sommes dans l’arbitraire.
    La France centralisée a fait un pays où les régions sont dépendantes et irresponsables dans les dépenses. Un gâchis national où l’on en constate les stigmates dans l’application onéreuse de certains chantiers exubérants.
    Cette France construite par les Rois devrait être libérée de cet assemblage subalterne que la République centralisée a faite. L’indépendance des régions comme les allemands avec leurs lands, est la clé pour retrouver une âme, une cohésion responsable.

    1. Anonyme23 juin 2013 17:26

      Bonjour les caricatures et préjugés réciproques sur nos 2 pays. Comme l' a dit Emmanuel Todd dans une émission de "ce soir ou jamais" l'Allemagne pense monde, nos élites pensent amitié franco-allemande.

    2. TeoNeo23 juin 2013 19:38

      Il ne faut pas oublier que l'Allemagne s'est retrouvée dévastée à plusieurs reprises par sa seule faute. A chaque fois que leurs élites ont voulu abuser du poids démographique et économique de leur pays ca s'est mal terminé pour eux.
      Ca peut s'expliquer par le fait que c'est une nation très récente qui s'est retrouvée avec trop de puissance et pas le recul nécessaire pour ne pas en abuser.
      Le fait que cet Etat existe encore en un seul morceau est un coup de chance du aux circonstances de la guerre froide.

  11. Anonyme23 juin 2013 17:35

    Attention à ne pas tomber dans la fascination irrationnelle du modèle allemand. Le texte de Gaston notamment s'inscrit dans une tradition de la haine française de soi qui n'a jamais utilisé l'Allemagne que comme le contre-modèle idéalisé de ce que l'on voulait condamner. Outre le fait que l'Allemagne ne connaît pas que des succès, il ne suffit pas de noter les réussites allemandes pour recommander ensuite de les singer. Encore faut-il s’interroger sur ce qui est transposable d’un pays à l’autre, compte-tenu de l’histoire, de la démographie, de la géographie même. La réussite du modèle décentralisé allemand ne peut pas être interprétée comme le succès d’une recette technique dont il suffirait de recopier en France les ingrédients et le mode opératoire pour y obtenir les mêmes résultats. L’unification Bismarckienne est un fait récent au regard de l’histoire de l’État-nation centralisé français. La Bavière, par exemple, est forte aujourd’hui d’un sentiment d’identité qui s’est construit au cours de plusieurs siècles d’existence comme entité politique indépendante.
    Le processus historique de construction de la nation français est très différent et explique qu’il n’existe aujourd’hui en France rien qui soit comparable aux identités régionales que l’on observe en ailleurs en Europe. Le dernier prince à avoir pu s’appuyer sur une puissance territoriale et militaire significative pour défier le roi de France a été Charles le Téméraire, au XVe siècle. Encore l’État princier bourguignon était-il d’une remarquable hétérogénéité. Le Connétable de Bourbon, un demi-siècle plus tard, n’était qu’un grand seigneur révolté contre François Ier, pas le chef d’un État féodal (de manière significative, il ne tente même pas en 1523 de lutter contre le pouvoir royal sur ses propres terres, mais s’enfuit auprès de Charles Quint). La France moderne n'’a donc connu dans ses provinces aucune forme d’autonomie qui soit comparable à la situatio, à la même époque, des États allemands, des États de la Péninsule italienne, ou même, en dépit des progrès de la centralisation en Espagne du XVIe au XVIIIe s., à celle issue des anciens fueros des provinces espagnoles.
    Les comparaisons entre la France et d’autres pays européens perdent de vue ce fait essentiel : la France est un pays tout à fait à part dans l’histoire politique de l’Occident, du fait de l’ancienneté de sa construction politique et territoriale. Cela ne signifie pas qu’il faille accepter en bloc tout ce qui nous vient du passé. Mais on ne peut pas construire l’avenir en faisant fi de l’histoire, en méconnaissant la manière dont nous sommes devenus ce que nous sommes. L’hypercentralisation française et la faiblesse des identités régionales sont sans doute excessives, appellent incontestablement à un travail de rééquilibrage sur le long terme ; mais il s’agit d’un héritage multiséculaire, structurant de notre identité politique et sociale. Imaginer qu’il serait possible de s’en débarrasser aisément au profit d’un mode de fonctionnement issus d’expériences historiques radicalement différentes est une illusion technocratique dangereuse.
    YPB

  12.  Laurent Pinsolle23 juin 2013 19:06

    @ Pimo29
    Grand dessein ? Pas convaincu. Je crois que les Allemands se sont adaptés à une monnaie dont ils n’avaient pas vraiment envie. Je crois que tout cela devrait au contraire nous pousser à une désintégration de l’UE et un éloignement des USA.
    @ Saul
    Nous avons un déficit de plus de 20 Mds avec la Chine tout de même. Si notre déficit reste très important, c’est aussi du fait que nous avons plus de croissance que tous les pays du Sud…
    Pas faux sur les pertes en capital, mais il faut voir que les banques allemandes équilibrent leur bilan en dehors de leur territoire, ce qui limiterait en partie les pertes.
    @ Olaf
    Merci pour ce rappel. C’est clair qu’il y a beaucoup de choses à reconstruire.
    Sur l’invention, il y a beaucoup à faire. Heureusement, notre pays a beaucoup d’ingénieurs de grande qualité mais il faudrait qu’ils aillent là où ce serait le plus utile (pas la finance) et qu’ils soient davantage intéressés et valorisés quand ils créent.
    @ TeoNeo
    Bien d’accord sur l’UMP, le PS, les centristes et les écolos. L’inconscience de nos élites est sidérante. Sur les patrons, il ne faut pas non plus exagérer. Je ne pense pas qu’ils soient plus mauvais qu’ailleurs. Ils font aussi avec les règles du jeu que leur donnent les politiques.
    @ Anonyme
    C’est un problème particulièrement fort dans la finance où on privatise les profits et on collectivise les pertes, comme même The Economist l’avait souligné.
    @ Abdel
    Pas faux sur Tchuruk. Mais sa logique reste en action dans bien des domaines (cf scandale Findus…), et pas qu’en France.
    @ Anonyme
    Pas forcément car elle ne voudra sans doute pas détruire l’euro, mais peut pousser les autres à le faire. Une grande majorité des Français ne veulent pas du FN
    @ Gaston
    Vision trop pessimiste à mon sens. Il ne faut pas exagérer. Notre pays est encore la 5ème puissance économique.
    @ YPB
    Merci pour votre réponse. Je suis bien d’accord.

    1. Anonyme23 juin 2013 22:27

      Oui effectivement sachant qu’en 2012 le déficit commercial de la France avec la zone euro n’est que total 41,07 milliards d’euros si on peut dire, un déficit de plus de 20 milliards avec la Chine est loin d’être négligeable en comparaison.
      http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-euro-est-pas-coupable-60-notre-deficit-commercial-vient-zone-euro-acrithene-641350.html
      Cet article de l’expansion indique : « Cela fait dix ans que la France est en déficit commercial - le dernier excédent remonte à 2002, à 3,5 milliards. »
      http://lexpansion.lexpress.fr/economie/ce-que-cache-la-baisse-du-deficit-commercial-de-la-france_371773.html
      Je ne connais pas un historique du déficit commercial français, mais il est peu probable que dans les décennies précédentes elle ait connue une aussi longue période de déficit commercial :
      Patrick Artus, dans la vidéo" La France sans ses usines" indique :
      http://www.youtube.com/watch?v=iazP6mudqRk
      « Quand l'euro s'apprécie fortement entre 2002 et 2008, la part de marché de la France dans le commerce mondial s'effondre, la part de marché de l'Allemagne ne bouge absolument pas. Econométriquement quand l'euro s'apprécie de 10 % par rapport à toutes les monnaies les allemands perdent 1 % de leurs exportations et les français 9 % de leurs exportations, ce qui révèle que la demande pour les produits français est très sensible à leur prix, ce qui normalement révèle qu'ils sont trop bas en gamme ».
      Saul

  13. Démos23 juin 2013 20:02

    Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

  14. Démos23 juin 2013 20:07

    Au-delà de l'Histoire, ce qui façonne les Nations, ce sont la culture, les mentalités, les rapports sociaux qui sont en jeu et, de ce point de vue, la France et l'Allemagne sont des Nations complètement différentes. Rien à voir.

  15. BA23 juin 2013 21:38

    Vendredi 21 juin 2013 :
    Plans de sauvetage de la Grèce : 77 % des fonds sont allés à la finance.
    Une étude d’Attac montre que les «plans de sauvetage» mis en oeuvre par les institutions de l'Union européenne et les gouvernements européens sauvent les banques, pas la population.
    Depuis mars 2010, l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont attribué 23 tranches de financement au prétendu « sauvetage de la Grèce », pour un total de 206,9 milliards d’Euros. Ils n’ont cependant fourni presque aucune précision sur l’utilisation exacte de ces énormes sommes, provenant de fonds publics.
    C’est pourquoi Attac Autriche a entrepris une étude sur cette question : au moins 77% de l’argent du plan de sauvetage ont bénéficié directement ou indirectement au secteur de la finance.
    http://www.france.attac.org/articles/plans-de-sauvetage-de-la-grece-77-des-fonds-sont-alles-la-finance
    En clair :
    Sur 206,9 milliards d'euros pour le soi-disant "sauvetage de la Grèce", 159,5 milliards d'euros sont allés directement ou indirectement au secteur de la finance.
    Quant au peuple grec, il a vu la destruction des services publics de la Grèce.
    La finance a reçu l'argent, et le peuple grec a reçu la misère.
    Le système actuel est complètement pourri.

mercredi, 25 juillet 2012

Risque systémique - Dernière lettre de Graham Summers & assortie interview Olivier Demarche 10 juillet sur la récession

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http://reflets.info/le-lapin-le-lapin-le-lapin/

it’s clear now that the world is entering a period of wealth destruction. Europe is in the midst of a sovereign debt crisis. History tells us that this will entail more than one sovereign nation going belly-up. Indeed, I believe that we’ll see ALL of the PIIGS as well as France stage sovereign defaults in the coming months.

After that will come Japan, then finally the US. By the time the smoke clears, we will have seen systemic collapse.

This will mean:

1) Many major banks disappearing, as well as numerous potentially lengthy bank holidays (think Argentina in 2001)

2) Multiple sovereign defaults as well as broad economic contractions and their commensurate unemployment/ civil unrest/ erasure of retirement accounts/ pensions (this process has already begun in some US municipals, e.g. San Bernandino and Stockton California as well as Harrisburg Pennsylvania).

3) Possibly new currencies being introduced or new denominations of currencies (say one new unit being worth 1,000 of the old one)

4) Massive wealth destruction to the tune of tens of trillions of Dollars (think MF Global i.e. the money is gone… only systemically… in fact we just had another such instance with PF)

5) A global contraction that will result in new political/ power structures being implemented as well as the breakup of various countries/ unions.

6) Very serious trade wars to begin (see Obama’s recent attack on China) and very possibly a real war.

If the above make you frightened, you’re not alone. As I’ve dug deeper and deeper into the inner workings of the global financial system over the past months, the information I’ve come across has only gotten worse. I’ve been holding off writing all of this because up until roughly April/May it seemed possible that the world might veer towards another outcome.

I no longer view this to be the case. I am almost certain that what I’ve written above will come to pass. I know that much of what I’ve written to you in the past could be labeled as “gloom and doom.” However, I want you to know that I do not use the words “systemic collapse” lightly. Indeed, I wish I wasn’t mentioning them now, but I’d be doing you a disservice not to bring them up because we’re well on our way towards it.

 

Interview de Olivier Delamarche

04:18 Publié dans Économie, Finance, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer | |