vendredi, 25 septembre 2009
Actu-Environnement 25/09/2009 - Taxe carbone : Michel Rocard s’en prend à l’ETS
ECONOMIE - Article de Agnès SINAI
Reçu par les députés hier, Michel Rocard a prôné l’abandon du marché carbone au profit d’une Contribution climat énergie généralisée. Analyse.
Auditionné hier par les députés de la Commission du développement durable et de la Commission économique à l’Assemblée nationale, Michel Rocard n’a pas mâché ses mots. En ce qui concerne la rétrogradation par le gouvernement du prix de la tonne de CO2 à 17 euros plutôt qu’à 32, il a rappelé que ''cet accord sur les 32 euros par tonne représentait quelque chose car il reprenait les conclusions du rapport Quinet de 2008 qui, lui-même, résultait d’un compromis entre l’Etat, les ONG et les syndicats''. Se déclare-t-il déçu par la décision du gouvernement ? ''Nous n’avons pas voulu considérer que nous étions trahis, néanmoins il est important que le gouvernement indique quel sera le taux d’augmentation annuelle qui permettra d’atteindre les 100 euros la tonne en 2030''.
Quelques heures plus tard hier, les sénateurs de la Commission des finances et de la Commission de l’économie et du développement durable auditionnaient le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo, la ministre de l’économie Christine Lagarde, et Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie.
Le sénateur Philippe Marini (UMP), rapporteur général du budget au Sénat, s’inquiétait de la corrélation entre le montant de la taxe carbone et le prix des quotas de CO2 : ''Le tarif de la taxe se rattache au cours du quota sur le marché européen. Si le marché européen des quotas fluctue, sera-t-on amené à revoir le signal-prix ?''.
Chantal Jouanno a précisé que, sur la progressivité des taux, c’est le Parlement qui se prononcera ainsi qu’une commission verte ad hoc, composée de parlementaires et de représentants de la société civile. La secrétaire d’Etat chargée de l’écologie s’est déclarée plutôt optimiste quant à l’évolution du prix du CO2 sur le marché européen des quotas : d’ici à 2012, a-t-elle affirmé, le prix du CO2 sur le marché européen devrait être compris dans une fourchette de 23 à 30 € la tonne.
Pourtant, cela ne va pas de soi, selon Michel Rocard, qui affirmait hier matin devant les députés : ''Le système des quotas marche mal et c’est ça le problème. Je ne suis pas sûr qu’il puisse y avoir des marchés auxquels quelque technique permette d’échapper à la spéculation. C’est le cas du marché du carbone européen dont la spéculation équivaut à 80 fois le réel économique''.
Au Sénat, un rapport du groupe de travail sur la fiscalité environnementale de la Commission des finances, diffusé en juillet dernier, s’est inquiété de la ''quasi absence de réglementation et d’encadrement des marchés d’échanges de quotas'' et a plaidé en faveur d’une surveillance efficace et globale du marché carbone, d’un fonctionnement équitable et ordonné du marché et de sa transparence.
Sur ce point, Michel Rocard est allé plus loin : ''Je suis favorable à l’abandon de l’ETS qui marche mal pour lui substituer une taxation'', a t-il déclaré hier devant les députés.
La ministre de l’économie Christine Lagarde a confirmé aux sénateurs que la question de la supervision du marché pour éviter les fuites dans le circuit était à coordonner sur le plan international, ''car le risque de fraude et de spéculation est manifeste''.
Fallait-il on non inclure l’électricité dans l’assiette de la taxe ? ''Sur l’électricité, nos experts étaient partagés moitié moitié. Il faut chercher une baisse de toutes les consommations d’énergie, et j’admets que dans peu d’années il faudra mettre l’électricité dans la moulinette'', a déclaré Michel Rocard aux députés.
Au Sénat, Nicole Bricq (groupe socialiste) regrettait que toute la fiscalité n’ait pas été remise à plat à l’occasion de la taxe carbone et s’inquiétait du fait que les périodes de pointe, qui occasionnent le recours en appoint à des centrales thermiques, ne fassent pas l’objet de taxation mais soient réglés par des tarifs répercutés sur les usagers.
Autre sujet de débat, la redistribution du produit de la taxe aux ménages et les exonérations partielles de taxe professionnelle consenties aux entreprises en contrepartie de leur assujettissement à la taxe carbone. La ministre Christine Lagarde a expliqué aux sénateurs le mécanisme de redistribution prévu : un chèque « vert » pour les non imposables dès février 2010, et un crédit d’impôt pour les ménages assujettis à l’impôt sur le revenu. ''Quelles seront les contreparties pour les aides aux entreprises ?'', interrogeait la sénatrice Nicole Bricq. ''Avec le produit de cette taxe, on aurait pu faire des milliers de choses !, regrette le sénateur Bruno Sido (UMP), alors que, quand les Français recevront un chèque de 46 euros, ils ne s’en apercevront pas. Mais Christine Lagarde s’est déclarée convaincue de l’efficacité progressive de la taxe : ''Dès lors qu’une entreprise soumise à la taxe carbone va décider de réorganiser son mécanisme de production, elle va percevoir un super bonus : le système inclut l’incitation au changement de comportement. Sur le système à somme nulle, il existe dans les agrégats mais pas pour les ménages, car le mécanisme contient une incitation à la baisse des consommations d’énergie émettrices de CO2. Il faut mettre le pied dans l’escalier et poursuivre le chemin''.
Mme Lagarde a également confirmé que les agriculteurs et les pêcheurs bénéficieraient d’une taxe diminuée des trois quarts la première année. La taxe prévoit également un traitement spécifique pour les transporteurs routiers, ce sont les chargeurs qui y seront assujettis. Quant à l’exonération du transport aérien, c’est une question à rouvrir, a précisé Mme Lagarde.
Et Jean-Louis Borloo a rappelé que le transport aérien entrerait dans l’ETS en 2012 et qu’il ne faudrait pas lui faire subir de double imposition.
Le président de la Commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, a réitéré ses craintes quant à la multiplication des niches fiscales, source de complexité, d’effets d’aubaine et de risques de fraude.
Convaincu qu'a l'avenir, ''les économies sobres en carbone seront les économies de demain'', Jean-Louis Borloo a manifesté une légère irritation à la fin de l’audition : ''Quand j’entends le débat, c’est trop tôt et ce n’est pas la bonne méthode. C’est parce qu’on ne veut pas mentir et poursuivre plusieurs objectifs en même temps qu’on est dans cette situation. Et c’est pour les populations modestes qu’on fait ça''.
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01:53 Publié dans Décroissance, Énergie, Finance | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : taxe carbone, contribution climat énergie généralisée | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |