mercredi, 25 novembre 2009
Marianne 2 - La crise s'approfondit grâce à «Chimérique»
Paul JORION ramène la crise financière à 5 causes élémentaires et donne sa thèse sur le refus des Chinois de constituer un G2 avec les Américains
Pour ma part, je considère plutôt que ces causes sont des objectifs adoptés implicitement par le sphère politico-financière des pays les plus développés.
Ils résultent en effet, de leur volonté de manipuler les créances , comme autrefois les Etats pouvaient le faire en jouant sur l’inflation et les dévaluations.
- Toutes sortes d’idées séduisante (pas pour tous), ont été avancées pour cela :
- se donner des avantages économiques ou purement financiers, et faciliter des réinvestissements, en particulier dans les pays émergents, à la fois des fournisseurs de main d’œuvre bon marché et des consommateurs
- permettre à tous (les pauvres d’abord, les riches ensuite, pour les migrants ça explosé avant !) d’emprunter pour acheter de l’immobilier, etc.- La spéculation quand ça marche et l’abus de confiance quand ça ne marche plus, étant in fine, le fuel pour gruger les gogos et permettre aux manipulateurs de dépenser sans compter ou partir avec des sommes si considérables qui si elles n’étaient pas dématérialisées, seraient bien lourdes à transporter ou recycler…
Le plus sidérant dans ce système c’est l’absence totale d’élites dirigeantes ou d’intellectuels ayant suffisamment de poids pour dévoiler les vices que portent-en elles toutes ces conceptions économico-financières. Sans parler de la difficulté à cerner les moindre responsabilités !
Paul Jorion - Economiste | Dimanche 15 Novembre 2009 à 14:01 | Lu 11583 fois
http://www.marianne2.fr/La-crise-s-approfondit-grace-a-Ch...
Paul Jorion retranscrit ici son exposé - limpide et pertinent - sur les cinq grandes causes de la crise, telles qu'il les a exposées devant une commission du Parlement Européen, à Bruxelles.
Et n'oublions que Paul Jorion peut continuer à travailler grâce aux dons des internautes! Voir en fin d’article « Article PressLib’ » (*)
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J’étais hier après-midi, l’un des huit « experts » conviés par la Commission Spéciale sur la Crise Financière, Économique et Sociale (CRIS) du Parlement Européen, à Bruxelles, sur « Les causes de la crise financière, ses conséquences et ses défis pour l’Union Européenne ». Depuis la rentrée en septembre, j’ai participé à une demi-douzaine de réunions de ce type, où une brochette d’orateurs est appelée à se prononcer sur un thème similaire.
Spécificité de l’après-midi d’hier : la médiocrité des interventions de mes co-panélistes, accumulant les clichés, les propos convenus, ânonnant les directives – qui de sa banque, qui de son gouvernement –, tout cela dans une affreuse langue de bois bureaucratico-administrative.
Autre spécificité de la réunion d’hier : le très faible niveau d’information des intervenants de la salle, émergeant parmi les quelques centaines de parlementaires présents et leurs assistants, et posant des questions dont la teneur suggère – pour utiliser l’expression consacrée – qu’ils ou elles « tombent des nues ». J’excepte intentionnellement du lot, ceux qui, s’adressant à moi, insistèrent pour entendre le point de vue spécifique d’un anthropologue.
J’ai présenté comme origine de la crise, cinq causes principales (le résumé de mon intervention devrait être mis en ligne sur le site du comité) :
- baisse de la part salariale dans le partage du surplus au cours des trente dernières années – soulignant le rôle joué par les stock-options dans ce processus –,
- remplacement des salaires déficients par une politique de crédit complaisante,
- montée en puissance des bénéfices financiers dans la création de richesse – jusqu’à dépasser aux États-Unis 40 % de celle-ci,
- médiocrité et insuffisance des modèles financiers, aussi bien dans la valorisation des produits que dans la gestion du risque,
- enfin, vice conceptuel de la titrisation, transposant abusivement une logique assurantielle à un secteur – l’immobilier – coutumier des bulles financières.
Concluant par une perspective géopolitique, j’exposais brièvement la dynamique du « G2 » – encore appelé « Chimérique » – l’illustrant d’une référence au principe « faire de la force de son adversaire, sa faiblesse », emprunté aux arts martiaux chinois aussi bien qu’à l’« Art de la guerre » de Sun Tzu.
M’adressant à l’auditoire, je lui demandais de manière très rhétorique si l’Europe entendait suivre les États-Unis dans le gouffre qui s’est creusé sous elle, et où elle se précipite en ce moment avec un enthousiasme renouvelé, ou si elle entendait émerger dans sa spécificité propre, comme troisième voie entre la Chine et l’Amérique.
Le temps des questions m’offrit également l’occasion de défendre l’idée d’une constitution pour l’économie, ainsi que l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix.
L’apathie, la passivité, le manque d’un sens de l’urgence, qui caractérisaient les interventions entendues hier impliquent-elles que je devrais ignorer désormais les réunions de ce genre ? Non, car détonaient sur ce fond de médiocrité bureaucratique généralisée, les propos de Wolf Klinz, Président du Comité, et ceux de Pervenche Berès, son Rapporteur, les seuls à converger avec les miens. En m’invitant à témoigner devant ce comité, ils entendaient secouer le cocotier, tâche dans laquelle je serai toujours prêt à les seconder.
Voici ma liste des cinq principaux facteurs à l’œuvre dans le déclenchement de la crise :
1. La baisse tendancielle de la part des salaires dans la redistribution du surplus, constatée en Occident à partir du milieu des années 1970. L’« alignement des intérêts » des investisseurs et des dirigeants d’entreprise grâce à l’invention des stock options, joua un rôle crucial dans ce processus : deux parties déjà très puissantes dans l’équilibre des forces étaient désormais alliées dans leur convoitise d’une part de gâteau leur revenant. Investisseurs et dirigeants d’entreprise conjuguèrent leurs efforts, l’accent étant mis sur la croissance du chiffre des recettes faisant s’élever le prix de l’action. Conséquence secondaire de cette évolution : le court-termisme, l’accent mis sur le bénéfice immédiat.
2. Une industrie bancaire très obligeante remplaça par du crédit les sommes qui manquaient à l’appel pour les ménages. La richesse fut remplacée par des reconnaissances de dettes qui furent comptabilisées comme monnaie deux fois : une fois en positif et la seconde en négatif. La progression du prix de l’immobilier américain constituait le moteur : la bulle permettait à des consommateurs de moins en moins riches, et finalement ceux constituant le secteur « à risque » des subprimes, d’accéder à la proposition de leur logement. Un ralentissement suffirait cependant à enrayer le processus. L’absence de nouvelles recrues provoqua l’arrêt et les sommes dues ne purent soudain plus être trouvées.
3. L’activité parasitaire de la finance par rapport à l’économie. La part du PIB attribuable à la finance ne cessait de croître. Il ne s’agissait pas simplement d’un effet mécanique de siphonage, tel qu’on l’observe sur les marchés même de la production (marché à terme des matières premières – commodity futures) mais aussi d’une fragilisation : la spéculation, en augmentant la volatilité, atteint les consommateurs quand les prix augmentent et met hors course les producteurs quand ils baissent. La justification des paris sur les fluctuations de prix est que la présence de spéculateurs génère de la liquidité qui serait bénéficiaire à tous. Or la liquidité que certains spéculateurs produisent, d’autres spéculateurs la consomment, sans bénéfice pour les négociants qui sont sur ces marchés en raison de la fonction assurantielle qu’ils offrent.
4. La complexité des produits financiers dépasse notre capacité à en comprendre le fonctionnement. A défaut de le comprendre, les modèles supposent l’avenir connaissable avec un degré extraordinaire de précision, imaginent que les corrélations observées historiquement sont stables, considèrent que le hasard est de la forme gaussienne, c’est-à-dire la mieux « apprivoisée », et par conséquent que des cas se situant à un certain nombre d’écarts-types ne se présenteront jamais et que du coup les réserves prévues pour ces cas extrêmes… ne devront jamais être ponctionnées. Ceci explique en particulier les difficultés rencontrées par les agences de notation quand elles mesurent le risque de non-remboursement sur des instruments de crédit. Le fait aussi que les outils de gestion du risque utilisés par les établissements financiers n’ont pas vu venir la crise et restaient toujours dans le vert alors même que le navire prenait l’eau de toute part et s’enfonçait rapidement.
5. La titrisation constitue un dévoiement du principe assurantiel. La logique de l’assurance qui suppose que les sinistres sont rares et se présentent de manière aléatoire dans le temps était en réalité inapplicable dans le cas de la titrisation pour deux raisons : premièrement du fait que la qualité d’assureur était redistribuée entre une multitude d’agents ne présentant pas nécessairement un volant financier suffisant pour essuyer les pertes résultant de sinistres possible et, deuxièmement du fait que dans le cas d’industries donnant lieu à titrisation – comme l’immobilier – le risque se concentre historiquement sur des périodes courtes durant lesquelles les sinistres (défaut de remboursement) sont extrêmement nombreux.
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