Manifeste des économiste atterrés (mardi, 14 septembre 2010)

Atterrés par le manque de qualité du débat économique. Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André Orléan et Henri Sterdyniak, les quatre chercheurs à l’origine de la pétition intitulée « Manifeste d’économistes atterrés » ont donc pondu un texte qui liste en 10 points « les fausses évidences économiques qui inspirent des mesures injustes et inefficaces ».

Le résumé des 10 fausses évidences et 22 mesures qui suit, extrait de Marianne, ne permet pas de se faire une idées très pertinente de ce qui justifie ces propositions.

Il faudra s’armer de patience pour lire la totalité de ce Manifeste qui est relativement dru, en cliquant sur ce lien http://www.slideshare.net/MMDP/manifeste-deconomistes-att...

On pourra rentrer plus facilement dans le sujet grace à Michel VOLLE qui a publié une synthèse de ce manifeste accessible via ce lien   http://michelvolle.blogspot.com/2010/09/les-economistes-a... (pour critique de ce qu'est l'économie voir http://michelvolle.blogspot.com/2010/09/la-nature-et-nous... puis http://michelvolle.blogspot.com/2010/10/pourquoi-leconomi... et http://michelvolle.blogspot.com/2009/03/lentreprise-et-ar...)

D'emblée il cible cette différence de mécanisme fondamentale : "Le nœud de leur raisonnement est le suivant : alors que sur le marché des produits destinés à la consommation et à l'investissement les prix convergent vers leur niveau d'équilibre par le jeu de l'offre et de la demande, sur le marché des biens patrimoniaux (produits financiers, bâtiments, stocks de matières premières), par contre, les prix divergent."

En clair, ce "les prix divergent", signifie pour les uns "les prix sont piloté par la spéculation financière", pour les autres "les prix sont pilotés par l'innovation", quand cette "spéculation financière" n'est tout bonnement pas postulée comme une "nécessité pour financer l'innovation". On retrouvera ces points de vue sur France Culture dans l'Esprit Public du 26 Septembre 2010, dans le "Débat sur le système bancaire" faisant suite à la réunion du 12 septembre 2010 du Comité de Contrôle & Régulation Bancaire Bâle III.

On pourrait aussi, tout simplement considérer que les institutions régissant les biens patrimoniaux sont des instruments privilégiés pour asservir l'ensemble du système économique à moyen et long terme en "orientant" sans scrupule la valeur de ces biens, la spéculation financière n'étant finalement que secondaire et un moyen de ce protéger (même en en profitant, car qui n'avance pas recule) des incohérences engendrées par les institutions sur les monnaies, les créances, l'accession à la propriété, les loyers, les prix agricoles...

10 FAUSSES ÉVIDENCES - 22 MESURES

FAUSSE EVIDENCE N°1 : LES MARCHES FINANCIERS SONT EFFICIENTS

Mesure n°1 : cloisonner strictement les marchés financiers et les activités des acteurs financiers, interdire aux banques de spéculer pour leur compte propre, pour éviter la propagation des bulles et des krachs

Mesure n°2 : Réduire la liquidité et la spéculation déstabilisatrice par des contrôles sur les mouvements de capitaux et des taxes sur les transactions financières

Mesure n°3 : limiter les transactions financières à celles répondant aux besoins de l’économie réelle (ex. : CDS uniquement pour les détenteurs des titres assurés, etc.)

Mesure n°4 : plafonner la rémunération des traders.

FAUSSE EVIDENCE N°2 : LES MARCHES FINANCIERS SONT FAVORABLES A LA CROISSANCE ECONOMIQUE

 Mesure n°5 : renforcer significativement les contre-pouvoirs dans les entreprises pour obliger les directions à prendre en compte les intérêts de l’ensemble des parties prenantes

Mesure n°6 : accroître fortement l’imposition des très hauts revenus pour décourager la course aux rendements insoutenables

Mesure n°7 : réduire la dépendance des entreprises vis-à-vis des marchés financiers, en développant une politique publique du crédit (taux préférentiels pour les activités prioritaires au plan social et environnemental)

FAUSSE EVIDENCE N° 3 : LES MARCHES SONT DE BONS JUGES DE LA SOLVABILITE DES ETATS

Mesure n°8 : les agences de notation financière ne doivent pas être autorisées à peser arbitrairement sur les taux d’intérêt des marchés obligataires en dégradant la note d’un État : on devrait réglementer leur activité en exigeant que cette note résulte d’un calcul économique transparent.

Mesure n°8bis : affranchir les États de la menace des marchés financiers en garantissant le rachat des titres publiques par la BCE.


FAUSSE EVIDENCE N° 4 : L’ENVOLEE DES DETTES PUBLIQUES RESULTE D’UN EXCES DE DEPENSES

Mesure n° 9 : Réaliser un audit public et citoyen des dettes publiques, pour déterminer leur origine et connaître l’identité des principaux détenteurs de titres de la dette et les montants détenus.

FAUSSE EVIDENCE N°5 : IL FAUT REDUIRE LES DEPENSES POUR REDUIRE LA DETTE PUBLIQUE

Mesure n°10 : Maintenir le niveau des protections sociales, voire les améliorer (assurance-chômage, logement…)

Mesure n°11 : accroître l’effort budgétaire en matière d’éducation, de recherche, d’investissements dans la reconversion écologique... pour mettre en place les conditions d’une croissance soutenable, permettant une forte baisse du chômage.

FAUSSE EVIDENCE N°6 : LA DETTE PUBLIQUE REPORTE LE PRIX DE NOS EXCES SUR NOS PETITS-ENFANTS

Mesure n°12 : redonner un caractère fortement redistributif à la fiscalité directe sur les revenus (suppression des niches, création de nouvelles tranches et augmentation des taux de l’impôt sur le revenu…)

Mesure n°13 : supprimer les exonérations consenties aux entreprises sans effets suffisants sur l’emploi.

FAUSSE EVIDENCE N°7 : IL FAUT RASSURER LES MARCHES FINANCIERS POUR POUVOIR FINANCER LA DETTE PUBLIQUE

Mesure n°14 : autoriser la Banque centrale européenne à financer directement les États (ou à imposer aux banques commerciales de souscrire à l’émission d’obligations publiques) à bas taux d’intérêt, desserrant ainsi le carcan dans lequel les marchés financiers les étreignent.

Mesure n°15 : si nécessaire, restructurer la dette publique, par exemple en plafonnant le service de la dette publique à un certain % du PIB, et en opérant une discrimination entre les créanciers selon le volume des titres qu’ils détiennent : les très gros rentiers (particuliers ou institutions) doivent consentir un allongement sensible du profil de la dette, voire des annulations partielles ou totales. Il faut aussi renégocier les taux d’intérêt exorbitants des titres émis par les pays en difficulté depuis la crise.


FAUSSE EVIDENCE N°8 : L’UNION EUROPÉNNE DÉFEND LE MODELE SOCIAL EUROPÉEN

 Mesure n°16 : remettre en cause la libre circulation des capitaux et des marchandises entre l’Union européenne et le reste du monde, en négociant des accords multilatéraux ou bilatéraux si nécessaire.

Mesure n°17 : au lieu de la politique de concurrence, faire de « l’harmonisation dans le progrès » le fil directeur de la construction européenne. Mettre en place des objectifs communs à portée contraignante en matière de progrès social comme en matière macroéconomique (des GOPS, grandes orientations de politique sociale).


FAUSSE EVIDENCE N°9 : L’EURO EST UN BOUCLIER CONTRE LA CRISE

Pour que l’euro puisse réellement protéger les citoyens européens de la crise nous mettons en débat deux mesures :

Mesure n°18 : assurer une véritable coordination des politiques macroéconomiques et une réduction concertée des déséquilibres commerciaux entre pays européens

Mesure n°19 : compenser les déséquilibres de paiements en Europe par une Banque de Règlements (organisant les prêts entre pays européens).

Mesure n°20 : si la crise de l’euro mène à son éclatement, et en attendant la montée en régime du budget européen (cf. infra), établir un régime monétaire intraeuropéen (monnaie commune de type « bancor ») qui organise la résorption des déséquilibres des balances commerciales au sein de l’Europe.


FAUSSE EVIDENCE N°10 : LA CRISE GRECQUE A ENFIN PERMIS D’AVANCER VERS UN GOUVERNEMENT ECONOMIQUE ET UNE VRAIE SOLIDARITE EUROPEENNE

Mesure n°21 : développer une fiscalité européenne (taxe carbone, impôt sur les bénéfices, …) et un véritable budget européen pour aider à la convergence des économies et tendre vers une égalisation des conditions d’accès aux services publics et sociaux dans les divers États membres sur la base des meilleures pratiques.

Mesure n°22 : lancer un vaste plan européen, financé par souscription auprès du public à taux d’intérêt faible mais garanti, et/ou par création monétaire de la BCE, pour engager la reconversion écologique de l’économie européenne.

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