La Décroissance, mai 2009
En février 2009 s’est tenu, dans les locaux de l’INRA(institut national de la recherche agronomique) à Paris, un colloque intitulé « les OGM face aux nouveaux paradigmes de la biologie ». Sous ce titre savant, c’était l’occasion d’entendre les experts faire le point des connaissances (et des ignorances) sur la structure et le fonctionnement du génome des êtres vivants.
Des généticiens ont expliqué que la moitié du génome (46% chez l’homme) est composée d’ « éléments transposables » qui se déplacent, se multiplient et modifient le fonctionnement des gènes. Les gènes eux-mêmes apparaissent fréquemment dupliqués (35% chez l’homme) et les différents exemplaires d’un même gène ne fonctionnent pas de façon identique… Les manipulations cellulaires nécessaires pour réaliser la transgenèse (fabrication des OGM) induisent davantage de perturbations que le transgène (gène introduit de force dans l’organisme) lui-même, lequel est souvent contrôlé ou même modifié par des facteurs génétiques ou de l’environnement… Il faut aussi compter avec les « petits ARN »(connus depuis quelques années seulement) qui contrôlent la stabilité du génome et s’activent en réponse à des stress variés : par l’« interférence de l’ARN » les petits ARN régulent ou dégradent les ARN « conventionnels », ceux qui permettent l’expression de l’ADN… En bref, on découvre un génome de plus en plus complexe, instable, soumis à des influences diverses, et dont la connaissance, toujours à venir, relèverait désormais d’un projet interdisciplinaire (biologie systémique) « pour déchiffrer la complexité de la cellule et de l’organisme vivants ». Pourquoi donc les généticiens étaient-ils les seuls à ne pas avoir compris ça plus tôt , obnubilés qu’ils étaient par la maîtrise d’un programme supposé inscrit dans l’ADN considéré comme «le livre de la vie »?...
D’autres experts sont intervenus sur les plantes transgéniques (PGM). Alors que les politiques européennes vont promulguer des règles pour la « co-existence » des PGM avec les autres plantes (en fonction d’un niveau arbitraire de contamination inévitable de toutes les cultures, même bio), l’état de la science fait douter de l’efficacité de telles règles puisqu’on ne sait pas même évaluer les flux des gènes entre végétaux… Quant aux toxicologues, ils ont avoué qu’on ne sait pas mesurer non plus le risque sanitaire des PGM (effets sur le consommateur animal ou humain)… tandis que l’expert en statistiques est venu parachever l’état du progrès en pointant « les faiblesses méthodologiques qui rendent discutables tous les résultats présentés ».
Que conclure des avancées de la science ? Comme il était déjà évident (voir Le vélo, le mur et le citoyen. Que reste t-il de la science ? Ed Belin, 2007) on ne maîtrise pas le génome , ni les effets de la transgenèse, ni la dissémination des transgènes, ni l’évaluation des PGM… Alors, quelle urgence y aurait-il pour disséminer ces PGM, lesquelles ne procurent aucun avantage aux consommateurs ? Et comment prétendre que les opposants à cette dissémination seraient des « obscurantistes » ?...Pourtant, il n’y a nulle rumeur d’autocritique et le Génopole lance pour la fin de 2009 un colloque sur « Progrès, innovation et société, défiance ou confiance ? » dont l’annonce fustige encore « les lobbies des opposants » aux PGM…